En vacances, au gré de nos balades sur la plage, à la recherche de coquillages échoués, nous avons tous trouvé un jour ou l’autre ces fragments de verre dépolis par l’œuvre des vagues. Encore éclatants lorsqu’ils sont mouillés par l’eau salée, ils prennent un aspect givré, plus terne mais patiné une fois secs. Certains racontent cette légende: ces bouts de verre dépolis glanés sur la grève seraient en fait les larmes que les sirènes verseraient à chaque fois qu’un marin meurt noyé. Ça, c’est la version onirique!
La réalité est toute autre: ces bouts de verre proviennent de la pollution humaine, quand les hommes n’étaient pas si regardants sur leur empreinte carbone, quand ils ne se souciaient pas encore de leur impact sur la planète. La mer était alors une solution de facilité pour se débarrasser de ses déchets que l’on soit à terre ou en pleine mer. Mais la nature n’est pas rancunière puisqu’au lieu de renvoyer ce verre tel quel, ce qui aurait été un juste retour aux pollueurs, elle a fait un véritable travail d’érosion –d’orfèvre- sur des mois voire des années pour transformer le verre rebut en pépites à force de houle, de vagues et de balotements.
Un phénomène qui se raréfie.
Ceux qui ont fait de la recherche de ces pépites de verre dépoli une passion, vous le diront: on trouve de moins en moins de spécimens sur les plages. Deux explications à ce phénomène: 1-le résultat positif des campagnes de tri des déchets et de leur recyclage: en Europe, le taux de recyclage du verre est de l’ordre de 68%. Et 2-malheureusement pour les fonds marins, l’usage intempestif d’un autre mode de conditionnement, le plastique, dont on connait désormais les conséquences dévastatrices lorsque celui-ci échoue en mer.
Parfois, même les autorités s’inquiètent de cette disparition: aux Bermudes, il y a des plages où l’on foule non pas le sable mais des verres dépolis. Ces plages sont une véritable attraction pour les touristes et les nombreux croisiéristes qui font escale là-bas. Bien sûr tout le monde veut repartir les poches pleines de ces trésors-souvenirs. Si bien que sur certaines plages, il y a désormais interdiction de ramasser ces bouts de verre pour éviter qu’elles ne soient pillées et pour préserver l’attrait touristique de l’endroit. Bien sûr, il y a une augmentation de la fréquentation de ces lieux mais la raréfaction du phénomène est aussi une composante de la décision.
Un phénomène qui a ses afficionados
Savez-vous qu’aux Etats-Unis, il y a une véritable culture autour de ce verre dépoli? Tous les ans, au moment des grandes marées, des manifestations sont organisées sur toutes les côtes américaines à l’est comme à l’ouest. La vedette de l’événement, ce sont ces pierres devenues précieuses que la mer a façonnées et polies au gré des éléments. Les participants de ces événements, ce sont des collectionneurs, des bijoutiers professionnels ou amateurs, ou tout simplement d’authentiques passionnés du dimanche… C’est alors l’occasion de comparer ses trouvailles, de les faire estimer, d’identifier l’origine du verre, de soumettre ses plus beaux spécimens au verdict de concours avec récompenses….
Car il y a verre dépoli et verre dépoli: ils sont plus ou moins rares selon leur couleur. Les plus courants sont ceux de couleur verte et brune, les plus rares sont rouges, ambres, bleus ou roses. Les formes sont elles aussi importantes dans l’estimation. Autre critère, l’origine du verre: un morceau d’optique de phare, ou un bout d’isolateur électrique auront plus de valeur qu’un bout de verre de bouteille non identifié. Mais le summum revient à ces gemmes que l’on peut identifier et dater grâce aux inscriptions qui auront résisté à l’érosion des vagues. Ce sont ces mêmes passionnés qui, constatant la pénurie, ont même envisagé la création d’un musée pour y exposer les plus belles pièces. Celles-ci pourraient y faire figure.
Morceau de verre trouvé sur une plage du Maine photographié avec une bouteille d'origine. L'inscription 50 indiquant la date de fabrication. Les bouteilles n'étaient pas consignées, ce qui est clairement inscrit sur le culot de la bouteille. C'est une bouteille qui a été mise en vente par la brasserie de bière Schlitz basée dans le Wisconsin.
Autre pièce d'anthologie, ce morceau de verre d'un bleu turquoise 'Teal' qui a été mesuré ( 47.6 mm de longueur pour une largeur de 27.9 mm) d'un poids de 6.5 grammes et dont on estime que la date d'origine remonte à plus de 100 ans, voire 140. Ce fragment de verre a été identifié comme provenant d'une bouteille à la couleur comme à la forme bien particulière- un design octogonal. Bouteille produite pour la Rumford Chemical Works qui contenait un tonique censé soulager l'épuisement mental et nerveux.
Des passionnés qui, constatant la pénurie, ont même envisagé la création d’un musée pour y exposer les plus belles pièces. Celles-ci pourraient y faire figure.
La métamorphose du verre dépoli en bijou
Le verre malmené par la houle n’est donc plus un déchet: il a été sublimé, les arêtes coupantes ont été arrondies, les surfaces adoucies, il est quasiment devenu une pierre semi-précieuse et à ce titre, il fascine les créateurs qui ont voulu le sublimer en bijou. La main du professionnel au fait des techniques d’orfèvrerie, vient aboutir le travail naturel de la nature. Il y a de nombreuses créations amateurs, plus ou moins heureuses, et ils ne sont pas si nombreux ceux qui ont travaillé cette matière en vrai professionnels joaillers.
Le travail de Nathalie Coutereau nous a interpellé. Désormais installée en Bretagne, elle glane sur les plages armoricaines ces fameux morceaux de verre. Elle les transforme en bijoux sans manquer de les ancrer dans la culture bretonne grâce à une monture qui s’inspire des broderies des costumes bretons. Broderies que l’on retrouve donc sur les bélières en argent qui mettent en valeur le verre givré transformé en colliers ou boucles d’oreilles. Des bijoux qui fleurent bon l’iode, le sel marin et le folklore breton.
Bijoux que vous trouverez à la vente sur le site d'Adoptez Une Ordure!