Le texte intégral de la tribune de Serge Federbusch parue dans le Figaro du 19 janvier.
C’est un piège gros comme l’Elysée. En bon petit soldat cynique du mitterrandisme, François Hollande n'a désormais qu'un projet : être réélu à l'issue d'un second tour qui l'opposerait en 2017 à Marine Le Pen. Toute autre configuration lui serait fatale. Il se ferait embrocher par n'importe quel candidat UMP ou centriste s'il devait l'affronter en finale.
Mais François Hollande peut espérer. Car les chiffres sont inquiétants pour la droite dite traditionnelle. Dans l'hypothèse où la candidate d’extrême droite ferait entre 29 et 32 % des voix au premier tour, ce vers quoi convergent les études d'opinion et extrapolations d'élections partielles, quand bien même le score total de l'actuelle opposition - toutes sensibilités confondues - atteindrait le niveau historique de 58 %, les différents candidats issus des formations "classiques" de la droite et du centre ne pourront dépasser 28 % au total.
S'il y a deux impétrants de droite et du centre, voire trois, il faudra qu'un d'eux dépasse nettement les 15 % pour surclasser Hollande ou tout autre candidat du PS et se retrouver face à Le Pen. Le discrédit des socialistes ne suffira pas à écarter à coup sûr leur champion, surtout s'il s'agit de Manuel Valls. Bref, un des candidats de la droite parlementaire doit largement dominer les autres sous peine de les voir tous sombrer. Dans l'hypothèse où le processus des primaires ne fonctionnerait pas ou mal, le risque d'une élimination générale est donc assez élevé.
Le défi principal de l'opposition dans les deux ans qui viennent sera de le conjurer. Comment y parvenir ?
Il y a d'abord la nécessité de réussir ces primaires, ce qui n'est pas acquis puisque les arrières pensées seront omniprésentes dans leur mise en oeuvre. Un vote électronique avantagerait Juppé, dont les partisans répugneront à aller émarger dans des permanences ou des lieux tenus par des militants UMP purs et durs. Un vote papier, symétriquement, favoriserait Sarkozy. Si ce débat n'est pas tranché sereinement et que deux candidats issus de l'UMP se présentent in fine, la probabilité pour qu'ils terminent respectivement en troisième et quatrième positions sera élevée. De même, il faut s'attendre à un chantage très fort des centristes, surtout si Sarkozy sort vainqueur des primaires UMP qu'ils pourront déclarer nulles et non avenues pour ce qui les concerne.
Il y a naturellement l'espoir de la discorde chez l'ennemi, comme l'écrivait jadis De Gaulle. Une pluralité de candidats à gauche conduirait symétriquement à l'émiettement de son électorat et faciliterait la qualification au second tour du plus pugnace des candidats de l’UMP. Mais, là encore, rien n'est garanti.
De toute manière, toutes ces conjectures ne sont que cuisine électorale. Une élection présidentielle a toujours besoin de surprise et de dramaturgie. Elle se remporte à l'énergie, à la séduction, au slogan qui fait rêver, à l'espoir suscité, à l'image de renouveau plus qu'aux comptes d'apothicaire. Il faudra que la droite trouve cet élan. Aujourd’hui, elle fait du surplace.
Sarkozy avait gagné haut la main en 2007 en bousculant le FN, en refusant le politiquement correct et en donnant de lui une image de jeunesse et de détermination propre à "renverser la table". Le moins qu'on puisse dire est que la posture conciliante et les tergiversations de ces dernières semaines sont loin du compte. A quoi bon du reste cette normalisation ? La majorité des journalistes, des cadres de l'administration et de la justice, qui le haït de manière viscérale, sera là pour lui mettre des bâtons dans les roues quels que soient ses aggiornamentos. Plus ennuyeux encore, l’électorat frontiste qu’il avait reconquis en 2007 ne se laissera pas duper facilement par des postures.
A contrario, Juppé, dont le positionnement ultra modéré et les déclarations sur la question de l'immigration exaspèrent la droite, laisserait un plus grand espace encore à Le Pen sans pour autant garantir l'absence de candidat centriste. Bref, rien n'est gagné pour les deux principaux compétiteurs annoncés. Ce qu’il faudrait à la droite, c’est un Juppé épousant les thèses de Sarkozy, la quadrature du cercle en quelque sorte. Alors ..?
L'élection de 2017 se jouera dans la reconquête des classes moyennes périurbaines, qui forment une grande partie de la population scrutée récemment par Christophe Guilluy dans son ouvrage sur la "France périphérique". Souvent désormais, cette France vote FN ou s'abstient. Il faut remettre la périphérie au centre du débat, s'adresser aux familles de cadres moyens et d'employés qui ont le sentiment d’être sacrifiés et cernés dans leurs zones pavillonnaires. La France qui souffre en silence doit être entendue plus que celle des privilèges et des subventions. Il faut en finir aussi avec la complaisance dont l’islam rigoriste joue pour transformer le visage de nos villes. Le débat actuel sur le voile à l’université devrait être depuis longtemps tranché.
Le siège de campagne d'un candidat de droite digne de ce nom devrait s'installer dans cette France périphérique plutôt que camper dans le 7ème arrondissement de Paris. Les gaspillages immenses au nom du logement social, qui alimentent le clientélisme des élus locaux et une bureaucratie pléthorique et parasitaire, devraient être traqués. Ces crédits seraient mieux employés à la baisse de la fiscalité dans la construction et le logement et à améliorer la vie dans les zones pavillonnaires délaissées. Il faut cesser de harceler les automobilistes et libéraliser l'offre de transport en réformant enfin les rentes et protections des organismes publics. La scandaleuse diminution des allocations familiales sous prétexte de modulation en fonction du revenu devrait être clairement remise en cause. En fait, le critère est simple : plus une mesure déplairait aux partis écologistes, plus elle sera pertinente.
N’oublions pas non plus que Sarkozy avait entamé une tardive et insuffisante remontée, en 2012, quand il avait pris ses distances avec l'Europe de Bruxelles. Mais il ne l'avait fait que sur les questions migratoires. Pas sur les sujets économiques, ce qui laissait un trou béant dans son projet. La France ne doit plus déléguer son gouvernement économique à Mario Draghi. Par delà les nuages de fumée, la politique de François Hollande consiste à faire du chantage à l'explosion de l'euro pour ne pas avoir à redresser nos comptes publics. Mais cette ruse ne fonctionnera qu'un temps et il faut la dénoncer devant l'opinion avant qu’elle ne s’évente d’elle même.
Qu'il n'y ait plus de "France périphérique", que chacun puisse se sentir également traité par la République : voilà l'enjeu de 2017. La droite devra clairement montrer qu'elle veut et peut apporter une réponse à ce défi. Si elle ne le fait pas ou n'est pas crédible, nous aurons à nouveau un président socialiste puis un frontiste à l'élection suivante. A moins que les Français ne décident de sauter immédiatement une étape ...