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une jeune provinciale délurée

Publié le 20 février 2015 par Dubruel

Cette provinciale avait vécu jusqu'ici

Sans avoir rien connu de la vie

Sinon ces occupations régulières

Qui constituent le bonheur des ménagères.

Elle se fit inviter à Paris

Par des amis.

À peine était-elle descendue du train,

Qu'elle courut les magasins

Et entra dans une boutique de porcelaines

Dont certaines étaient très anciennes.

Là, elle entendit le marchand

Dire à un monsieur très élégant :

-" Hier, j'ai vendu à M. Alexandre Dumas

Deux vases de Chine. Et si M. Zola

Voyait ce pique-fleurs,

Il s'en porterait acquéreur. "

-" Vous me semblez bien achalandé...

Dites, j'ai vu ce monsieur regarder

Cette jolie statuette.

Elle ne porte pas d'étiquette.

Quel est son prix ? "

Le marchand, surpris :

Répliqua -" Quinze cent francs. "

-" Je la prends. "

Le monsieur très élégant se retourna,

Regarda la provinciale, la détailla :

Une femme qui

Peut mettre un tel prix

N'est pas la première venue.

Elle, elle avait reconnu

Jean M., un écrivain réputé.

-" Je l'ai achetée parce qu'elle vous plaisait."

L'homme sourit, visiblement flatté :

-" Vous me connaissez ? "

Elle lui dit alors toute son admiration.

Parler à une personne aussi importante

Lui donnait une grande satisfaction.

Elle cita ses œuvres et fut éloquente :

-" Permettez-moi de vous offrir

Cette statuette en souvenir

D'une femme qui vous admire passionnément

Et que vous n'aurez vu qu'un instant. "

Il résista. Elle insista. Il refusa.

Elle demanda au vendeur

L'adresse du célèbre auteur

Et ajouta :

-" Je vais la lui livrer de ce pas ! "

Mais l'écrivain l'avait entendu. Il la rattrapa

Et dans le fiacre s'assit à son côté.

Elle continuait d'insister.

Il continuait de refuser le cadeau.

Alors, elle lui proposa bientôt :

-" Je vais vous le laisser

Si vous obéissez

À toutes mes volontés. "

La condition de l'entêtée

L'amusant, l'écrivain finit par accepter.

-" À cette heure-ci que faites-vous ? "

-" Je me promène, et vous ? "

-" Alors...au Bois ! " Bientôt le soir tombait.

-" À cette heure, que faites-vous ? "

-" Je prends l'absinthe.

Et vous ? "

-" Allons prendre l'absinthe ! "

Au Café du Lac, ils entrèrent.

L'écrivain rencontra des confrères.

Il les lui présenta.

Le temps passait ; elle lui demanda :

-" Est-ce l'heure de votre dîner ?

Si oui, allons dîner ! "

Ils dînèrent. -" Et après, que faites-vous ? "

-" Je vous l'avoue,

Je vais parfois au théâtre "

-" Eh bien, allons au théâtre ! "

La représentation finie, elle lui dit :

-" Que faites-vous à cette heure-ci ? "

-" Mais...mais...je rentre chez moi. "

Bien que prise d'un certain émoi,

Elle ajouta : -" Allons chez vous ! "

Elle voulait aller jusqu'au bout.

Elle se déshabilla,

Se glissa

Dans le lit et attendit.

Il se coucha aussi ...et s'endormit !

À l'aube, il s'éveilla :

-" Pourquoi avez-vous fait tout ça ?

Je n'ai pas compris. "

Elle répondit doucement :

-" J'ai voulu connaître la vie à Paris

Tout simplement... ! "


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