Comme je vous le disais sur les réseaux sociaux, je ne comptais pas vraiment vous faire une série de chroniques en ce moment, car je préfère toujours me concentrer sur les gros coups de cœur. C’est pour cela que, depuis le début de l’année je vous ai parlé de Snow Illusion, de Vagabond ou de Prisonnier Riku. Il y a eu A Silent Voice également mais je vous en reparlerai plus tard, vu que l’ami Ben a déjà fait un premier tour d’horizon sur Journal du Japon. Néanmoins, si je regarde le compteur de mes lectures depuis le premier janvier 2015 j’ai déjà avalé près de 50 tomes.
Or il se trouve que ce début d’année s’est montré particulièrement intéressant, autant pour le cœur du lecteur que pour le cerveau du critique. J’ai donc décidé de faire un tour de table, à travers une liste de 13 convives et 600 à 700 signes par invité, pour que ça reste digeste à la longue. Exit donc le résumé – un lien avec résumé éditeur ou un article est présent à chaque fois au début, pour les curieux – et je me suis concentré sur le ressenti et les choses marquantes, en bien ou en mal.
Voilà, en route pour ces 13 chroniques !
Nouveautés : des surprises en tous genres
Minuscle de Takuto Kashiki chez Komikku : ma nouveauté préférée du lot. Je m’attendais à une histoire mignonne à souhait : là-dessus, le contrat est dument rempli. Avec ses personnages de 9 centimètres de haut qui vivent à la façon des mini-pousses, on fond rapidement sous leur charme. D’autant que nos deux héroïnes vivent dans un monde à notre échelle – elles sont de la hauteur d’un champignon – mais leur univers est aussi rempli d’animaux qui parlent et vivent avec elles, conférant un coté féerique très attendrissant. Si on ajoute un dessin foisonnant d’une grande minutie et des touches de poésie inattendues qui apporte de la profondeur au récit, on ressort très intrigué par ce premier tome. Vivement le tome 2, en mai !
L’homme qui marche de Jirô Taniguchi chez Sakka : si on m’avait dit qu’un jour je chroniquerai du Taniguchi de moi-même, j’aurais sans doute bien ri. Et pourtant, cette réédition de son premier manga hexagonal m’a laissé songeur, sans doute car elle a fait écho à mon intérêt pour la balade sans but précis, celle qui vous emmène dans des ruelles mystérieuses, par simple curiosité, par l’envie de savourer le temps qui passe. Et ce coup-ci, la voix-off qui m’avait tant gonflé dans Le sommet des dieux s’est fait discrète, les planches silencieuses favorisent l’observation et l’immersion… Même si on se dit, quand même, que cet homme qui marche a un patron et un emploi du temps bien cool pour pouvoir suivre ses envies comme ça ! Bref, voilà un Taniguchi bien sympathique, il y en aura peut-être d’autres qui suivront !
Démokratia de Motorô Mase chez Kazé Manga : même si l’homme maîtrise de mieux en mieux son coup de crayon, son chara-design est de moins en moins ma tasse de thé. Mais bon, l’auteur d’Ikigami reste l’auteur d’Ikigami, capable d’accoucher d’idée de départ assez forte : avec Démokratia, il remet en question le principe du choix démocratique à travers des votes qui décident de la vie d’un robot humanoïde. Le scénario a été très soigneusement réfléchi, mais le mangaka s’est embarqué dans une thématique casse-gueule : qui dit démocratie veut dire peuple et donc une ribambelle de personnages, qui sont pour l’instant les clichés de leur catégorie socioprofessionnelle. C’est original et le personnage principal est séduisant donc je pousserai jusqu’au tome 2, mais ça ne vaut pas un bon Tsutsui pour le moment.
Come to me de Nachi Yuki chez Soleil Manga : après s’être torturé les méninges sur Démokratia, voici une lecture récréative et assez amusante. Une love story entre une demoiselle pure mais démunie et un beau garçon gentil et plein aux as. Un pitch hyper cliché j’en conviens, mais ce tome se concentre uniquement sur deux personnages et ne se perd pas en fioriture. On nous donne ce qu’on a envie de lire en somme : une love-story naissante, pas mal d’humour avec une héroïne qui se voit comme un déchet qui vient souiller un trésor national de beauté, un peu de fond avec un passé auréolé de mystère et de tristesse pour le héros. Bref, un petit quotidien romantique et léger qui donne le sourire. C’est rafraîchissant, comme on dit souvent !
Noragami de Adachi Toka chez Pika Editions : Je découvrais la mangaka de Alive Last Evolution et je suis agréablement surpris. C’est bien croqué, déjà, avec une bonne gestion de l’encrage et des volumes, du soin sur les décors, un bestiaire sympathique, des lignes de forces et un sens de la baston intéressant. Du bon boulot quoi. Mais ce qui m’a vraiment botté c’est le héros de l’histoire : un dieu de troisième zone, un looser mégalomane qui distille des phrases cruelles, mais qui a un fond très intriguant. On le suit donc avec plaisir et on s’y attache rapidement, idem pour l’héroïne. Le seul souci, c’est que c’est un shônen truffé d’ados exaltés ou immatures : Bishamon-ten en mini-jupe et sous-tif… ce n’est pas trop mon truc. Ça marchera sans doute pour le public cible et c’est juste une question de goût, en définitive.
Nude de Mihiro & Makoto Ojiro chez Glénat Manga : alors celui là, il me pose problème, mais je vous en parle justement car il m’a interpellé sur la vie des idols. Voici l’adaptation d’une biographie d’une idol, aka la femme nue en couverture. Pour devenir une star, elle est passée par le porno pendant des mois voir des années et c’est ce parcours que l’on suit. C’est décrit crûment, avec une certaine violence mais la demoiselle tient le coup. Seulement voilà, elle en devient détestable : tout est bon pour devenir une étoile, quitte à bousiller son entourage, quitte à se montrer un brin nymphomane. L’histoire se finit par une vengeance réussie mais l’héroïne est à vomir et on ne peut que s’interroger sur la postface où elle remercie tout le monde pour avoir réussi sa vie. On a l’impression d’avoir lu l’histoire d’un lavage de cerveau et c’est encore plus troublant quand on sait que c’est une histoire vraie. Aussi choquant qu’édifiant en tout cas.
Suites : toujours aussi prenantes ?
Radiant #3 de Tony Valente chez Ankama éditions : Seth et ses compagnons sont enfin de retour ! L’attente en valait la peine : ce nouveau tome regorge d’action avec des combats magiques et /ou physiques très bien chorégraphiés… Les coups sont bien mis en valeur par un excellente mise en scène : qu’ils soient secs et vifs ou amples et d’une grande puissance, on ressent bien leur dynamique et leur impact. Tony Valente (interview here) y insère aussi sa patte avec un humour omniprésent et hilarant qui rend ce titre assez unique, un peu sa french touch à lui. Enfin ce troisième tome marque la fin d’un premier arc et on a le droit aux révélations qui vont avec, via un très bon flashback. On en apprend aussi un peu plus sur Grimm, personnage à bandelette très charismatique, et d’autres nouveaux bad guys font leur apparition. L’aventure prend donc de l’ampleur et le rebondissement final nous fait déjà regretter l’attente jusqu’au prochain volume ! Damn you mister Valente !!!
Orange #3 de Ichigo Takano chez Akata : mais quel talent ! Sur le plan graphique la gestion des ombres, des trames et des volumes est remarquable et accompagne un trait d’une grande douceur. De plus, le travail épatant sur le regard des personnages sublime la mise en scène. En effet, on suit avec plaisir les allers-retours entre présent et futur qui mixent les révélations, les regrets et les sentiments et toute cette trame arrive parfois à des sommets d’émotions, avec des déclarations d’amitiés et d’amour qui sont des vrais instants de grâce. Et là ce sont donc les yeux qui parlent, des larmes qui se transmettent aux lecteurs, des visages qui rougissent avec une candeur qui nous fait fondre. Orange est un manga magnifique, dans tous les sens du terme. Candide diront peut-être certains, mais il vous fait battre le cœur comme personne.
Seven Deadly Sins #7 de Nakaba Suzuki chez Pika Editions : le plaisir est présent là aussi, mais c’est très différent. Quand je lis ce manga je m’amuse comme un gosse, comme le gosse qui a lu Dragon Ball il y a 20 ans. Seven Deadly Sins propose à son lecteur des combats bourrés d’adrénaline, des chorégraphies qui jouent avec bonheur des lignes de forces mais aussi avec la démesure des attaques : ça te découpe des montagnes d’un revers de main et ça te rase un village à la massue… Et c’est assez jouissif il faut bien le dire. Enfin, au sommet de toute cette action, le manga ne se prend pas deux secondes au sérieux : les héros aiment se charrier et s’affronter pour le fun. Y a pas à dire, Seven Deadly Sins est un shônen vraiment très cool.
Fate Zero #6 de Shinjirô & Gen Urobuchi chez Ototo : amateur de rhétorique guerrière, ce tome est fait pour vous ! Après les monstruosités perpétuées par Caster, c’est Rider qui occupe le devant de la scène. C’est à nouveau un personnage réussi et qui apporte une dose d’humour bienvenue : voici un guerrier fonceur et bon vivant qui se saisit de son destin des deux mains. Son coté montagne de muscle va avec un sens aigue de l’honneur, du combat et, surtout, de la royauté. Le cœur de ce tome est en effet un débat sur les valeurs et les devoirs qui vont avec la condition de Roi,entre Rider, Saber et Archer. Mais sans arme pour le coup, plutôt autour d’un bon verre. Qu’est-ce qu’un bon Roi, comment gouverner et inspirer son peuple, qu’est-ce qu’un Roi doit et peut laisser après lui ? Plusieurs points de vue bien défendus et surtout une bonne grosse baston pour clore le débat. Action et réflexion, une série toujours aussi bien équilibrée et passionnante !
Haikyû #8 de Haruichi Furudate chez Kazé Manga : ah ça c’est une fin de match comme on les aime dans les shônens sportifs. Toujours hyper classique dans sa construction, Haruichi Furudate continue d’emballer son lecteur en maniant le ballon et la plume comme personne, avec un art consumé du fish eye et de la perspective déformée, pour insuffler vitesse et puissance à l’impact : ça continue donc de claquer au-dessus du filet, avec des points de vue toujours aussi bien choisis, et ça plonge avec l’énergie du désespoir en défense, sur un terrain où la tension ne descend jamais d’un cran. Même si les personnages n’ont rien de révolutionnaire on finit par s’y attacher, indépendamment de leur originalité mais grâce à leur passion communicative pour ce sport. Car c’est finalement ça le héros de Haikyû : le volley-ball et ses matchs endiablés !
Vertical #8 de Shinichi Ishizuka chez Glénat Manga : un seinen qui a le don de vous changer les idées. A travers ses tranches de vie d’une équipe de secouriste en haute montagne, on vit des instants qui happent toute notre attention : est-ce que celui là aussi est mort ? Qu’est-ce qu’il est allé chercher dans la montagne ? Avec un taux de survie assez faible (moins d’une personne sur deux semble survivre dans la série), chaque petite histoire apporte son lot d’inquiétude, de peine… et de gens réconfortants, comme Sanpo, ce modèle de bonté qui vous redonne foi en l’âme humaine. Lire Vertical c’est un peu ça, c’est croire en la vie et en l’espèce humaine, par petite bouffée. Donc forcément cela m’attriste que le titre se vende mal, sans pour autant que ça m’étonne car la narration en tranche de vie tout comme la gentillesse n’ont jamais été des arguments marketings percutants. Mais lisez Vertical, j’insiste. Vous verrez, ça vous fera du bien.
Say I love you #3 de Kanae Hazuki chez Pika Editions : Ce shôjo lycéen se démarque par la subtilité de ces personnages comme la fragile héroïne, Mei, qui enchaîne les blocages dans sa relation avec le grand et beau Yamato. Alors, certes, les demoiselles intimidées par de beaux garçons on connait, mais Mei est plus crédible que la moyenne : quand vous êtes vraiment timide vous êtes une asociale, une fille renfermée et difficile à approcher… Pas un mignon petit truc que tout le monde aime. La timidité et le mal-être peut aussi faire des ravages et vous mener sur une mauvaise voie, comme on le voit avec la garce mal dans sa peau Aïko. Say I Love you est une histoire faite de gens différents, un peu – voir carrément – à coté des normes et qui apprennent à interagir ensemble. Parfois c’est dur, parfois c’est doux. En tout cas c’est toujours touchant.
Et voilà la fin de cette sélection… Une fois de plus je pourrais continuer à vous parler de mangas : 6000, Jabberwocky, Area D #6, Dream Team #17/18, Moyasimon #3, Uwagaki #3, Ad Astra#4 mais il faut bien s’arrêter pour cette fois… Et puis je ne vous parle même pas de ce qu’il me reste à lire dans un avenir proche :
On n’a pas fini de parler de manga cette année, c’est moi qui vous le dit !!!