L'Égypte et le Qatar ont étalé
leurs désaccords jeudi après des frappes égyptiennes contre le groupe
État islamique (EI) en Libye, où l'organisation djihadiste a renforcé
son influence en s'emparant de l'université de Syrte.
Après la décapitation de 21 chrétiens, en grande majorité des
Égyptiens, revendiquée dimanche par la branche libyenne de l'EI,
l'Égypte a bombardé mardi des positions djihadistes en Libye et réclamé
une intervention militaire internationale dans ce pays plongé dans le
chaos et contrôlé par des milices rivales.
Le Qatar a critiqué une «action militaire unilatérale» de l'Égypte qui a
agi sans consulter ses partenaires au sein de la Ligue arabe. Le
délégué égyptien à la Ligue a répliqué en accusant Doha de soutenir le
«terrorisme».
En signe de protestation, le Qatar a aussitôt rappelé son ambassadeur au
Caire. Et les cinq autres monarchies du Golfe -Arabie saoudite, Émirats
arabes unis, Koweït, Oman et Bahreïn- se sont rangées à ses côtés face
aux accusations «infondées» du Caire, selon le secrétaire général du
CCG, Abdellatif al-Zayani.
Mais en soirée, ce dernier a reconsidéré ce soutien au Qatar et affirmé
que les autres monarchies pétrolières appuyaient l'Égypte et son
président.
La plupart de ces monarchies avaient pourtant soutenu l'ex-chef de
l'armée égyptien et désormais chef d'État Abdel Fattah al-Sissi après la
destitution en 2013 du président Mohamed Morsi, issu des Frères
musulmans, et avaient accusé le Qatar de soutenir cette confrérie
classée «terroriste» en Arabie saoudite et aux Émirats.
Mettant fin à des mois de tensions entre les deux pays, le Qatar avait finalement apporté en décembre son soutien à M. Sissi.
Pas de consensus international
Le nouveau différend avec le Qatar illustre l'absence de consensus
international sur la Libye, la plupart des pays ne privilégiant pas
l'option militaire.
Devant le Conseil de sécurité mercredi, le ministre libyen des Affaires
étrangères Mohammed al-Dairi a demandé à l'ONU de lever l'embargo sur
les armes imposé à son pays pour «aider» l'armée «à renforcer ses
capacités» alors qu'elle peine à lutter contre les milices.
Son homologue égyptien Sameh Choukri a appuyé cette demande, indiquant
que le projet de résolution prévoyait une «levée des restrictions» sur
les seules armes à destination du gouvernement reconnu par la communauté
internationale.
Plusieurs membres du Conseil, dont la Russie, sont réticents à lever
l'embargo imposé depuis 2011, évoquant le risque de voir des armes
tomber entre de mauvaises mains. Washington, Paris et Londres ont eux affirmé leur préférence pour une solution politique.
Le représentant de l'ONU en Libye Bernardino Leon a dit «espérer qu'un
accord politique pourra être trouvé bientôt» en Libye, un espoir partagé
par la Tunisie et l'Algérie.
La Libye est morcelée et sous la coupe de milices rivales. Deux
gouvernements s'y disputent le pouvoir: l'un proche des miliciens de
Fajr Libya, et l'autre, reconnu par la communauté internationale,
siégeant dans l'est du pays. Fajr Libya contrôle Tripoli et une grande
partie de l'Ouest libyen.
Le principal bastion de la branche libyenne de l'EI est à Derna, à 1300
km à l'est de Tripoli. Ce groupe extrémiste sunnite, responsable
d'atrocités -viols, rapts, décapitations-, sévit aussi en Irak, en
Syrie, où il a conquis de vastes régions, et en Égypte.
«Horrible mensonge»
Renforçant son emprise en Libye, l'EI a pris le contrôle jeudi de
l'université de Syrte (450 km à l'est de Tripoli), qui a suspendu ses
cours, selon des témoins.
La veille, une soixantaine de véhicules appartenant à l'EI ont paradé à
Syrte, ville natale du dictateur Mouammar Kadhafi qui y a été capturé
puis tué par les rebelles en octobre 2011 après huit mois de révolte.
Des photos, signées de la branche libyenne de l'EI et diffusées sur les
réseaux sociaux, montrent des dizaines de djihadistes cagoulés paradant à
bord de pick-up et véhicules tout terrain armés de canons antiaériens
et brandissant les drapeaux noirs du mouvement extrémiste.
Selon des habitants, des combattants de l'EI ont également pris position
devant le centre Ouagadougou, où Kadhafi organisait les sommets
africains ou arabes.
Cette démonstration de force intervient après l'envoi par la coalition
Fajr Libya d'une force pour «rétablir la sécurité» à Syrte. Mais pour le
moment il n'y pas eu de combats entre les deux camps.
Au dernier jour d'un sommet à Washington sur la lutte antidjihadistes,
le président américain Barack Obama a dénoncé comme «un horrible
mensonge» l'idée, mise en avant par diverses organisations extrémistes,
selon laquelle l'Occident serait en guerre contre l'islam.
«Les États-Unis feront plus pour lutter contre les idéologies
haineuses», a ajouté M. Obama dont le pays est à la tête d'une large
coalition internationale qui mène des raids contre l'EI en Syrie et en
Irak.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, Syrte est connue pour
être un fief du groupe djihadiste Ansar Asharia, classé organisation
terroriste par l'ONU et qui entretient des liens flous avec l'EI.
Source : LaPresse