Pour comprendre un peu mieux de votre point de vue de lecteur les tréfonds des maisons d’édition et le pourquoi de la fermeture de certaines sections, quelques petites explications s’imposent sur ce cas. Madrigall est un grand groupe réunissant diverses maisons d’édition bien connues. On y retrouve Casterman, Flammarion, Gallimard… De très grands noms de l’édition en somme. S’y trouve également de plus petits noms, mais tout aussi prestigieux, tel que Autrement, et son département jeunesse. MAIS Madrigall (peut-être que certains auront remarqué que ce nom est l’anagramme de Gallimard…), est en réalité dirigé principalement par les descendants même du créateur de la maison Gallimard. Donc forcément, cela crée parfois des déséquilibres dans certaines répartitions. Le département jeunesse de la maison Autrement, va donc être fermé car pas assez rentable. Cette décision est connue depuis un peu moins d’un an ; le catalogue sortira ses nouveautés prévues à l’avance jusque février 2015, mais ensuite sa production cessera. Le catalogue et les livres déjà publiés continueront d’être diffusés, jusqu’à épuisement des stocks. Puis les auteurs et illustrateurs récupéreront leurs droits sur ces productions.
C’est donc un petit pan d’originalité dans la littérature de jeunesse qui s’éteint et c’est bien triste. La colère des auteurs et illustrateurs est compréhensible. Mais on ne peut pas blâmer non plus entièrement le groupe Madrigall. Nous sommes encore en temps de crise, et dans toute entreprise on doit tenir compte du budget. Car oui (et là je vais décevoir plus d’un amoureux de la lecture et des librairies), les livres ne sont pas fabriqués gratuitement par les petits lutins du Père Noël ou par la marmotte qui emballe le chocolat Milka ! Il y a de vraies gens dans des bureaux qui s’attellent à la fabrication des livres, et quand on travaille dans une maison d’édition ce n’est pas uniquement le rêve intégral, on ne baigne pas dans une piscine de livres toute la journée. Pour publier un livre, cela prend du temps et cela coûte de l’argent ! Oh, découverte de la journée ! Non, bon, je sais que vous le saviez, mais je veux juste faire prendre conscience que malgré le désarroi des auteurs et illustrateurs face à la fermeture de cette parcelle de maison d’édition, il y a des explications. Parfois difficile à entendre, mais pas pour autant erronées. Travaillant moi-même en maison d’édition, je ne peux que comprendre ce point de vue. Mais étant aussi une amoureuse inconditionnelle de la littérature de jeunesse, une aventurière de librairie (quoi, vous ne connaissiez pas ce loisir ?), une découvreuse de pépites littéraires cachées, j’adhère également à la colère des auteurs et illustrateurs jeunesse en ce qui conerne la fermeture d’Autrement Jeunesse.
Bref, tout ça pour vous parler à la base d’une collection particulière de la maison Autrement Jeunesse, sur laquelle je veux mettre un coup de projecteur, avant qu’elle ne soit décimée en librairie : Les histoires sans paroles. C’est une magnifique collection qui, comme son nom l’indique, ne compte à son actif que des albums sans texte. La présentation extérieure des albums est déjà originale et attrayante ; ils sont tous rangés dans de petites pochettes en carton, comme pour les protéger et nous les présenter comme des trésors.
Toutes les histoires de cette collection que j’ai eu entre les mains m’ont touchée, emportée, émue… Je n’ai pas lu toute la collection, mais presque et je peux donc dire qu’elle est de très bonne qualité ! Elle est donc bien évidemment accessible aux plus jeunes, puisque sans texte. Ce qui me plaît également dans ces récits c’est que contrairement à certains autres albums sans texte qui ne se laissent que regarder, ceux-ci appellent plus facilement à un ajout de paroles. Malgré le titre de la collection, on n’a qu’une envie : inventer nous-même le texte. Cela ajoute un aspect ludique.
Les illustrateurs et les styles de cette collection sont très divers. Il y en a pour tous les goûts. Les histoires peuvent être drôles, un brin tristes, poétiques… De ce côté aussi la diversité est reine. J’ai tout de même un petit coup de coeur pour une illustratrice ayant fait deux histoires sans paroles : Princesse CamCam. Elle a publié dans cette collection, Mademoiselle Coton en 2008 et Une rencontre en 2013. Ma préférence se porte sur son dernier titre dont les illustrations sont tout simplement magnifiques. Elle a en réalité réalisé des découpages sur papier, de tous ses dessins, les a mis en forme, monté, pour obtenir le paysage voulu et a ensuite pris des photos de ses créations, qui sont retranscrites dans cette album. La délicatesse du trait, la finesse des découpes, la poésie des tableaux graphiques ne peuvent que vous faire tomber amoureux de cet album. Un livre pépite, dans une collection déjà précieuse.
Alors si vous aimez les créations originales (non non je ne suis pas sponsorisée par Canal +… – comprendra qui pourra), si vous aimez les albums sans texte, si vous voulez soutenir les illustrateurs de feu Autrement Jeunesse, ou si vous voulez tout simplement enrichir votre collection d’albums, courrez acheter des Histoires sans paroles, avant que le stock ne soit épuisé !
Joyeuses lectures sans textes les loulous !