Dans le cadre de l'examen en séance publique du projet de loi, le Sénat a apporté plusieurs modifications, souvent utiles, principalement au régime du nouveau contrat offrant un complément de rémunération : nouveau mécanisme de soutien au développement des énergies renouvelables qui devrait se substituer au contrat fondé sur un tarif d'achat fixe.
Le texte de la "petite loi" en cours d'examen au Sénat est disponible ici.
L'article 23 du projet de loi est relatif au "complément de rémunération" qui doit permettre aux énergies renouvelables d'être soutenues dans une perspective d'accès au marché.
La confirmation du caractère administratif de tous les contrats d'achat. Pour mémoire, les sénateurs avaient confirmé en commission, que les contrats d'achat et de complément de rémunération, signés directement ou à la suite d'un appel d'offres, sont, dans tous les cas, des contrats administratifs.
Aux termes de la "petite loi", l'article L.214-22 du code de l'énergie, relatif au contrat offrant un complément de rémunération est ainsi rédigé :
"Art. L. 314-22. – Les contrats conclus en application de la présente section sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature.
Les contrats prévoient dans quelles conditions ils peuvent être suspendus ou résiliés par Électricité de France, dans des conditions approuvées par l'autorité administrative."
Par ailleurs, la petite loi comporte également la rédaction suivante de l'article L.311-13-4 du code de l'énergie, de manière à préciser que les contrats d'achat ou de complément de rémunération, signés après appels d'offres, sont toujours des contrats de droit administratif.
« Art. L. 311-13-4 (nouveau). – Les contrats conclus en application des articles L. 311-13 et L. 311-13-2 sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature."
La situation demeure donc complexe pour nombre de producteurs : les conventions de raccordement sont des contrats de droit privé qui relèvent de la compétence du Juge judiciaire. A l'inverse le contentieux des contrats d'achat relèvent de la compétence du Juge administratif. Le régime juridique de ces deux contrats est donc distinct et cette répartition des compétences entre juridictions complique certains contentieux.
Le fait que le contrat d'achat soit un contrat administratif emporte de nombreuses conséquences. Il n'y a pas d'égalité entre cocontractants et le contrat d'achat s'apparente à un formulaire dont il est impossible de changer une ligne. D'où l'importance de la négociation en cours sur les conditions générales d'achat entre le ministère et les organisations professionnelles. Le droit de résiliation du contrat appartient également au titulaire et non au bénéficiaire de l'obligation d'achat.
La loi précise en outre clairement, depuis la loi "grenelle 2" du 12 juillet 2012 que le contrat d'achat n'engage les parties qu'à compter de sa signature. Il importe ici de rappeler que le droit à l'obligation d'achat n'emporte pas un droit au tarif d'achat (cf. CE, 12 avril 2012, n°337528). Avant cette signature, il n'y a pas de droit au tarif d'achat mais de simples informations sur ce que pourrait être le tarif d'achat. Concrètement, le producteur ne peut sécuriser son tarif d'achat qu'après signature du contrat d'achat lequel n'est signé qu'après mise en service de l'installation. Cela sera encore plus vrai avec le complément de rémunération qui sera fixé en fonction de l'état du marché.
Organisation d'une période transitoire avant l’entrée en vigueur du complément de rémunération. Les sénateurs ont heureusement remédié, en commission, à une carence importante du texte tel que voté par les députés. En effet, dans sa rédaction initiale, le projet de loi ne prévoyait aucune mesure transitoire entre l'ancien et le nouveau dispositif d'obligation d'achat. Dans l'attente de la publication du décret listant les installations bénéficiant de cette obligation, les demandeurs d'un contrat d'achat auraient été contraints d'attendre sans certitude d'en obtenir un.
Les sénateurs ont adopté un amendement du sénateur Poniatowski qui précise :
"Les producteurs qui ont demandé à bénéficier de l’obligation d’achat en application de l'article L. 314-1 du code de l'énergie avant la date d’entrée en vigueur du décret mentionné aux I et II du présent article peuvent bénéficier d’un contrat pour l'achat de l'électricité produite par leur installation dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre III du même code dans sa version en vigueur au moment de la demande."
Il s'agit là d'un amendement très important que j'avais pu défendre, en vain, devant les députés et que j'avais également défendu, avec d'autres, devant le sénateur rapporteur Louis Nègre. Cette disposition permet d'écarter le risque très important d'un "trou d'air" entre la publication de la loi et celle du décret précisant quelles sont les installations bénéficiant de l'obligation d'achat.
Des expérimentations pour les petites et moyennes installations. Les sénateurs ont tout d'abord voté un amendement de MM Gremillet et Raison qui prévoit la réalisation d'expérimentations en 2015 du nouveau mécanisme de soutien appelé "complément de rémunération" :
"Le complément de rémunération fait l'objet de périodes d'expérimentation pour les petits et moyens projets, ainsi que les filières non matures. Ces expérimentations auront lieu avant le 1er janvier 2016. Les conditions et délais de ces expérimentations seront fixés par voie réglementaire".
Cet amendement est très utile mais les chances de "survie" de cet amendement sont réduites. Ni le Gouvernement ni les députés ne se sont montrés favorables à des expérimentations du complément de rémunération. Par ailleurs, il est peu probable, compte tenu du calendrier du vote de la loi et du délai nécessaire pour rédiger le décret d'application, qu'il soit possible de procéder à ces expérimentations avant le 1er janvier 2016.
Extension du nombre des titulaires de l'obligation d'achat. On notera que les sénateurs ont modifié de la manière suivante la rédaction de l'article L.314-6-1 du code de l'énergie :
« Art. L. 314-6-1. – À l'exception des contrats concernant des installations situées dans les zones non interconnectées, l'autorité administrative peut agréer des organismes qui, lorsqu'un producteur en fait la demande dans un délai de six mois après la signature d'un contrat d’achat conclu avec Électricité de France ou des entreprises locales de distribution, peuvent se voir céder ce contrat. Cette cession ne peut prendre effet qu’au 1er janvier suivant la demande de cession par le producteur. Toute cession est définitive et n’emporte aucune modification des droits et obligations des parties. Le décret en Conseil d'État mentionné à l'article L. 314-13 précise les conditions de l'agrément et les modalités de cession. Il prévoit également les modalités de calcul des frais exposés par l’acheteur cédant pour la signature et la gestion d’un contrat d’achat jusqu’à la cession de celui-ci et devant être remboursés par l’organisme agréé cessionnaire. »
Variation de la puissance installée par rapport à la puissance déclarée. A l'article 23 du projet de loi, les sénateurs ont voté un excellent amendement de MM Dantec et Labbé destiné à simplifier considérablement la situation des producteurs qui, de toute bonne foi, exploitent des installations dont la puissance peut varier par rapport à celle déclarée lors de la conclusion du contrat d'achat :
"I bis B. – Pour l’application des articles L. 311-6, L. 314-1 et L. 314-18 du code de l’énergie, la puissance d’une installation de production d’électricité d’origine renouvelable mentionnée dans la demande de bénéfice d’un contrat d’achat ou d’un contrat offrant un complément de rémunération par un producteur peut varier de 10 % par rapport à la puissance mentionnée dans le contrat d’achat ou dans le contrat offrant un complément de rémunération."
Création d'une prime pour autoconsommation. Les sénateurs ont voté un amendement du Gouvernement destiné à prendre en compte, lors du calcul du complément de rémunération, la part de consommation directe sur site de l'énergie produite.
Si cet amendement était définitivement adopté, l'article L.314-7 du code de l'énergie serait ainsi rédigé :
"Les contrats conclus en application de la présente section par Electricité de France et les entreprises locales de distribution sont des contrats administratifs qui ne sont conclus et qui n'engagent les parties qu'à compter de leur signature.
Ils prévoient des conditions d'achat prenant en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par ces acheteurs, auxquels peut s'ajouter une prime prenant en compte la contribution de la production livrée ou des filières à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article L. 121-1, ou une prime prenant en compte les cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l’électricité produite. Le niveau de cette prime ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé.
Les conditions d'achat font l'objet d'une révision périodique afin de tenir compte de l'évolution des coûts évités et des charges mentionnées aux articles L. 121-7 et L. 121-8."
L'exposé des motifs de l'amendement précise (je souligne) :
"Cet amendement permet aux producteurs dont les installations bénéficient d’un contrat d’achat d’être également rémunérés pour la part de leur production consommée directement sur le site de production (autoconsommation).
Le projet de loi permet déjà la rémunération de l’autoconsommation pour les installations bénéficiant d’un complément de rémunération, dans la mesure où elle prévoit que les conditions du complément de rémunération prennent en compte les cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l’électricité produite par leurs installations."
Mon cabinet procèdera à l'analyse de l'ensemble de ces nouvelles dispositions à l'occasion de prochains petits déjeuners.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats