Il existe des films qui, sans prétention, vous laissent en état de grâce. New-York Melody (Begin again) est l’un d’eux. Explications, tardives.
Ses doigts pincent, avec nostalgie, les cordes. Sa voix, timide et frêle, accompagne les accords de sa guitare. Pendant ce temps, Lui, desserre sa main et lâche son verre. Il lève la tête, les yeux encore embués. Et nous, les yeux rivés sur l’écran, nous laissons la magie opérer alors que la charmante Keira Knightley déverse le spleen de ses paroles à nos oreilles. Il n’y a plus rien à faire : résister ne sera d’aucune utilité.
Dehors, il pleut, forcément. On se cale alors en chien de fusil sous une couette rembourrée en plumes d’oies. On pose sa tête sur un oreiller moelleux ou la tendre épaule de sa moitié. On se laisse emporter par la force des images, la puissance des sons qui emplit la pièce, et nous enivre. Oui, bien sûr, un léger fond de mièvrerie plane ce soir, celui propre à toutes les comédies romantiques américaines. Mais cette mièvrerie-là, sincère, ne nous donne pas la nausée. Au contraire, elle nous fait rêver, voyager, taper du pied en rythme, bader. New-York Melody saupoudre sa douceur au fil de son histoire et de ses chansons, un peu comme le faisait déjà Once, un autre film, plus populaire et plus irlandais, de John Carney. Il y a souvent un petit air de déjà vu : le couple brisé, l’époux égoïste (sobre interprétation d’Adam Levine), la renaissance (d’où le titre original Begin again), la jouissance d’envoyer paître l’infâme briseur de cœurs, les accrocs sentimentaux. Et pourtant, ce soir, on s’en fou.
La bougie continue de brûler, là, à côté de nous, et l’ambiance intime insufflée par John Carney nous transpose. La vie réelle s’échappe loin de nous, ne devient qu’une insignifiante brume. Les tracas s’évaporent progressivement. On pense enfin à autre chose qu’à nos problèmes de bagnole, de boulot et de cœurs. On pense enfin à autre chose qu’à nos vies. En cela demeure la force de New-York Melody, à l’image de bon nombre de comédies indépendantes américaines. Ce cinéma n’a, en apparence, rien de révolutionnaire : il ne bouscule pas les normes, les conventions, les us. Il n’apporte même peut-être rien de neuf. Pourtant, il diffuse le bien-être et respire la bonne humeur. On en ressort sourire aux lèvres, avec la banane… et la patate ! Cet état de bien être moral, qui pourrait être proche de l’effet de deux ou trois bonnes bières dégustées au coin d’un feu de camp tardif en plein été, transcende.
Cette soirée, celle que nous avons vécue hier, bien qu’hivernale, était finalement proche de notre idée de la perfection. On l’a finie avec la douce voix de Keira vissée sur nos oreilles, une lumière tamisée et une Guinness bien fraîche en hommage au réal dublinois. Hélas on l’a sifflée un peu vite. Trop vite, même. Le sommeil nous a pris, et l’amère réalité nous a réveillés ce matin.