Mademoiselle Julie // De Liv Ullmann. Avec Jessica Chastain et Colin Farrell.
Avant d’être un film de Liv Ullmann, Mademoiselle Julie est avant tout une pièce d’August Strindberg qui avait déjà été adaptée au cinéma en 1999 par Mike Figgis avec Saffron Burrows et Peter Mullan dans les rôles titres. Sauf que ce n’était pas fameux. Heureusement pour la muse d’Ingmar Bergman, la réalisatrice signe une oeuvre bien plus réussie. L’atout de cette nouvelle adaptation de Mademoiselle Julie est le retour féminin et délicat. Il y a quelque chose de réellement beau dans ce film malgré ses défauts. Liv Ullmann met ses tripes dans les faces à faces de ses deux acteurs principaux qui délivrent quant à eux le meilleur d’eux-mêmes. A commencer par Jessica Chastain (Zero Dark Thirty) qui depuis quelques temps enchaîne les rôles et qui trouve ici un rôle de femme une fois de plus à la mesure de son talent. Lui fait face un Colin Farrell troublant et nuancé, bien moins de certaines de ses prestations les moins mono-expressives. On sent aussi que Liv Ullmann est fan du personnage de Mademoiselle Julie qu’elle rêvait d’incarner au théâtre quand elle était plus jeune.
1890, Irlande. Tandis que tout le monde célèbre la nuit des feux de la Saint Jean, Mademoiselle Julie et John, le valet de son père, se charment, se jaugent et se manipulent sous les yeux de Kathleen, la cuisinière du baron, jeune fiancée de John. Ce dernier convoite depuis de nombreuses années la comtesse voyant en elle un moyen de monter dans l’échelle sociale.
En tant que grand amateur de théâtre au cinéma, Mademoiselle Julie faisait donc partie des films que j’attendais. Malheureusement, j’étais passé à côté faute à un concours de circonstances qui m’ont empêchées d’aller le voir (parfois les programmations des cinémas ne vont pas vraiment dans le sens des spectateurs, mais ce n’est pas grave). Après avoir vu ce film, j’y vois quelque chose de beau avec des émotions exacerbées et touchantes mises en scène par la prestation d’une Jessica Chastain au sommet de son art. La pièce de Strindberg, que je ne connais que pour la première adaptation qui en a été faite au cinéma, est ici magnifiée par une mise en scène soignée qui cherche à utiliser chaque détail pour illuminer le visage de son héroïne. Mais si Mademoiselle Julie est réussi c’est aussi en grande partie grâce à une direction d’acteur tout simplement parfaite. Liv Ullmann avait une vision bien à elle du personnage et l’on voit dans ce film que c’est sa vision du personnage qui est à l’écran. On ressent alors toute la beauté de Mademoiselle Julie mais beaucoup plus grâce à une mise en scène théâtrale.
On retrouve ce qui fait le meilleur du cinéma filmé comme une pièce de théâtre. On peut alors passer une bonne demi-heure dans une cuisine avec simplement Jessica Chastain et Colin Farrell. C’est dans ce genre de moments que Mademoiselle Julie parvient réellement à briller et à nous choyer de toute son élégante cruauté. Car mine de rien, les émotions sont palpables et cette histoire reste cruelle. Nous sommes face à un drame qui a beau avoir l’empreinte d’une époque de par ses décors, le tout est intemporel. On n’a pas l’impression d’être en 1890 car l’année n’a pas de grande importance (bien que cela permet de faire des références à la place de Mademoiselle Julie dans la société mais également de John ou encore de Kathleen). Les films filmés comme si nous étions devant une pièce de théâtre c’est rare et surtout rarement réussi. Mon dernier émoi du genre remonte à La Vénus à la Fourrure de Roman Polanski (qui reste l’une de plus plus grosses claques du genre depuis pas mal d’années) et je dois avouer que je pourrais presque mettre Mademoiselle Julie au même niveau.
Note : 9.5/10. En bref, c’est resplendissant, somptueux et émouvant. Une petite pépite.
Date de sortie : 10 septembre 2014