Les Occidentaux peuvent blâmer les séparatistes et les accuser de torpiller le processus de paix en violant le cessez-le-feu décrété samedi. Pour les séparatistes soutenus, selon Kiev et les Occidentaux, par Moscou, l'important est ailleurs : en prenant Debaltseve, ils parachèvent des avancées militaires débutées durant l'été.
La zone contrôlée par les rebelles est relativement homogène et fait la jonction entre les territoires séparatistes des régions de Lougansk et de Donetsk. La question qui se pose désormais : les rebelles vont-ils s'arrêter là ou continuer de grignoter du terrain plus à l'ouest, ou vers le sud maritime et Marioupol?
Devant l'évolution du rapport de forces, François Hollande, Angela Merkel, Petro Porochenko et Vladimir Poutine devaient dans la soirée se parler lors d'une conférence téléphonique à quatre. Pour sa part, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a sommé la Russie de retirer toutes ses forces en Ukraine et d'arrêter son soutien aux séparatistes.
Le visage fermé, en tenue militaire, le président ukrainien Petro Porochenko a pris la parole depuis l'aéroport de Kiev pour annoncer l'abandon de Debaltseve avant de s'envoler pour la zone de guerre et y rencontrer les soldats épuisés qui ont dû fuir la ville.
«Ce matin, les forces armées ukrainiennes avec la garde nationale ont achevé l'opération d'évacuation planifiée et organisée de nos unités militaires de Debaltseve», a déclaré le chef de l'État.
Plus tôt dans la journée, des journalistes de l'AFP avaient vu des dizaines de chars, blindés légers et véhicules militaires ukrainiens en provenance de Debaltseve arriver à Artemivsk, ville située à environ 35 kilomètres de là. Ces véhicules transportaient des soldats pas rasés et visiblement épuisés.
L'offensive rebelle sur Debaltseve avait été lancée mardi, au troisième jour de la nouvelle trêve arrachée la semaine dernière à l'issue des négociations marathon à Minsk entre les dirigeants allemand, français, russe et ukrainien.
Le nombre de morts fait débat
L'Union européenne a dénoncé la prise de cette ville, qui constitue une «claire violation du cessez-le-feu» et mis en cause Moscou. «La Russie et les séparatistes doivent immédiatement et pleinement mettre en oeuvre les engagements pris à Minsk», a insisté la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini.
La Russie est accusée par l'Ukraine, l'UE et les États-Unis, d'armer les séparatistes et d'avoir déployé ses troupes en Ukraine, notamment pour gérer les opérations militaires séparatistes, ce que Moscou dément catégoriquement.
Depuis Riga, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a réitéré cette accusation, sommant le Kremlin d'arrêter son soutien aux séparatistes. «Les troupes russes, l'artillerie ainsi que les unités de défense anti-aérienne, de même que les éléments de commandement et de contrôle, sont toujours actifs en Ukraine», a-t-il énuméré.
L'Allemagne a condamné la prise de Debaltseve, «très néfaste pour les espoirs de paix» alors que le gouvernement français s'est voulu plus optimiste, affirmant que l'accord de Minsk sur l'Ukraine n'était «pas mort» et qu'il ferait «tout pour faire vivre cet accord».
Le nombre de morts à Debaltseve fait débat. Le président Porochenko a évoqué le chiffre «préliminaire» de 30 blessés lors de l'évacuation sur un total de 2000 soldats, mais certains médias ukrainiens ont affirmé qu'il y avait une quarantaine de morts.
L'armée a fait état d'au moins cinq soldats tués en 24 heures. Mais le directeur de la morgue d'Artemovsk, à une trentaine de kilomètres de Debaltseve et où les soldats ukrainiens se sont repliés, a indiqué à l'AFP avoir reçu 13 corps de soldats ukrainiens.
Un journaliste de l'AFP a vu plusieurs corps dont certains emballés dans des housses mortuaires, d'autres en uniforme militaire à l'intérieur de la morgue et près du bâtiment.
Debaltseve était depuis une dizaine de jours le théâtre de combats extrêmement violents qui ont très probablement fait des morts également parmi plusieurs milliers de civils qui y étaient bloqués par les hostilités.
Le président ukrainien Petro Porochenko a réitéré mardi soir sa demande à Washington de livraison d'armes létales défensives lors, d'un entretien téléphonique avec le vice-président américain Joe Biden.
Source : LaPresse