Avez-vous déjà eu cette impression étrange de ne pas avoir fini un livre même en ayant tourné la dernière page ? Sensation qui laisse entrevoir un peu de regret dans la lecture finie mais surtout le début d’une réflexion complètement ouverte.
C’est ce que j’ai pu ressentir en finissant hier soir ce roman d’Emilie Frèche. Recompensée par le Prix Littéraire du Lycéen et des apprentis d’Ile-de-France en 2013, son livre m’avait interpellée et m’avait donné très envie de le lire.
Ca a pris un peu de temps mais enfin, j’y suis arrivée. Et quelle découverte.
Je n’arriverai pas à dire quelques heures après l’avoir lu, s’il m’a plu ou déplu, je ne pourrais d’ailleurs pas être si catégorique. Impossible de le dire.
Et pourtant, il a éveillé en moi beaucoup de sensations. L’agacement, l’attachement, la curiosité, l’identification, entre autres. Alors pourquoi tant d’hésitations ?
Elise, trentenaire en perte de vitesse dans son couple et dans sa vie reçoit un appel de son père dont elle n’a plus eu de nouvelles depuis 7 ans. Il lui demande de venir le voir au Maroc où il vit. Le temps d’un instant, elle hésite puis elle voit poindre que l’évidence; se rendre en Afrique pour écouter ce que cet homme compte lui dire.
A bord de la R5 de sa mère, elle va accomplir un véritable voyage initiatique en France, en Espagne puis au Maroc, y faire des rencontres inattendues et entrevoir ce que la vie lui avait laissé caché depuis ces trente années passées: les relations entre adultes, la difficulté d’enfanter puis d’assumer, l’incapacité à être heureux et de transmettre ce non-don à ces enfants, la perversion naturelle de certaines personnes même les plus proches.
Les portraits se dessinent, les caractères s’ébauchent avec plus de précision au fil des pages qui se tournent et c’est avec curiosité et étonnement qu’on découvre des personnages ordinaires qui pourtant sont dépourvus de normalité et qui frôlent la crise. Une histoire avec un grand H qui se dessine en filigranne derrière l’intrigue plus modeste.
Le titre Deux étrangers devient alors tout autre et on se demande à qui il fait référence. Une réelle dualité d’interprétation fichetrement bien menée par la jeune auteure.
Le dénouement vient ponctuer une histoire chaotique, pourtant salvatrice pour le personnage principal et pose en nous des questionnements qui augurent pourtant des réponses.
Mais à chaque lecture son interprétation et son envie ou pas d’apprécier d’être repoussé dans ses retranchements par un texte. Car c’est surement ça qui a valu à cette lecture un avis mitigé. Elise Frèche a su susciter en moi de vraies émotions personnelles qui m’ont fait réfléchir et laissé pantoise sur la fin mais qui ont eu le mérite de me faire aller plus loin dans ma réfléxion.
Deux étrangers, Emilie Frèche, Actes Sud, 2012