Une des joies de la vie d’expat, ce sont les visites obligatoires à l’ambassade de France. J’en ai déjà parlé plusieurs fois, c’est une de mes hantises. Hier, on a fait un débarquement en force à 7, il ne manquait que la chatte, pour 5 passeports. Certes, c’est toujours sympa d’aller à Londres (pas pour Marichéri, il y va tous les jours, soit disant pour bosser…), mais pas pour faire des paperasses.
On a débarqué à la gare de Liverpool Street, en plein dans la City, où Maricheri nous attendait (L’Ado a été catégorique, hors de question de se lever à 6 heures pour partir avec son père, on l’a rejoint à midi). Je vous passe les détails du trajet, L’Ado toujours pas réveillé, et grognant parce que c’est scandaleux de gâcher un jour de vacances dans la salle d’attente de l’ambassade, GeekAdo stressé à l’idée de se perdre, les filles le nez en l’air admirant tout sur leur passage (un pigeon, une enseigne, un autre pigeon) et Toddler 5 hurlant de terreur: il a soudainement décidé d’avoir peur des trains. J’étais déjà dans un état de nerfs avancé quand on est arrivé devant le consulat. Ça n’a pas loupé, il y avait la queue sur le trottoir. Et pour la première fois, on a croisé des policiers britanniques armés jusqu’aux dents qui s’ennuyaient devant l’ambassade de France, effet Charlie oblige. Je ne dis pas, c’est gentil de protéger les français comme ça, mais vu leur état semi comateux, à mon avis, si il y avait eu un problème, ils auraient mis un chouïa de temps à réagir.
Le cerbère revêche gentil garde à l’entrée était dans un de ses grands jours. Ce râleur professionnel charmant bisounours refoulait une famille devant nous à grands moulinets de bras, et d’abord c’est lui qui décide qui rentre, si vous avez l’air instable, il ne vous laisse pas passer (c’est sûr, une mamie, une maman et un bébé, elles avaient l’air beaucoup plus instable que lui), c’est lui qui commande et c’est comme ça. Il n’a pas rajouté « appelez-moi moi dieu », mais c’était l’idée. Maricheri m’a retenu, j’allais mordre. Du haut de ses 6 m 08, il a dit bonjour très poliment au caniche hargneux garde dévoué, et on a pu rentrer sans problème. C’est évident, c’est un tel bonheur d’aller se fossiliser dans la salle d’attente du consulat, où on est toujours accueilli à bras ouverts, il doit forcément y avoir des gens qui sont là sans rendez-vous, juste pour le plaisir.
On passe ensuite le deuxième garde et son joli portique comme dans les aéroport. A 7, on encombrait tout le sas. Il faut enlever tous les bijoux, ceintures et tout ça, et passer un par un. Et donc on fait quoi avec la poussette? Il faut laisser le bébé dedans madame. D’accord, mais comme il ne peut pas passer avec moi, ni faire avancer sa poussette tout seul, surtout assis dedans, on fait comment? J’ai cru que le cerveau du garde allait exploser…il ne faut pas poser ce genre de problème métaphysique à un agent de sécurité de l’ambassade. Marichéri, qui rhabillait les filles de l’autre côté, a proposé de repasser dans l’autre sens pour venir chercher la poussette. Non, visiblement, ce n’était pas bon non plus. En désespoir de cause, le garde s’est dévoué pour passer Toddler 5, du coup, il n’y avait personne devant son écran de contrôle on aurait pu planquer ce qu’on voulait dans la poussette (alors que j’avais juste une bouteille d’eau, des goûters pour tous, des lingettes et des couches. Si j’avais su…).
Le parcours du combattant ne s’arrête pas là. Il faut ensuite se présenter au guichet d’accueil, (si, ça s’appelle comme ça. C’est de l’humour administratif) montrer ses papiers pour la troisième fois en 10 minutes sur un espace infini d’au moins 2 mètres (sas de sécurité compris), prouver encore une fois qu’on a bien rendez-vous et qu’on est bien les parents de nos enfants (visiblement avoir le même nom, la même adresse, le même livret de famille, et dans le cas de Marichéri, la même tête, ça ne suffit pas). Enfin, enfin, on pénètre dans la salle d’attente, avec six rangées de chaises en plastique inconfortables, modèle spécial scoliose, soit une trentaine de places pour 150 personnes. En habitués, on a commencé à installer un vrai campement, j’ai distribué les provisions aux enfants, Toddler 5 a renversé un portant à dépliants…et là miracle…on a nous appelé! A l’heure. En 18 ans, c’est la première fois que ça nous arrive, j’avais toute émue. Enfin, ils ont appelé GeekAdo, en précisant qu’un seul Parent a le droit de l’accompagner. On s’est tous levé, dans une envolée de miettes de cookies au chocolat (triple pépites de chocolat, je sais que ça vous intéresse), embarquant 4 chaises avec la poussette. Toddler 5 s’est mis a pleuré en réclamant son papa que le méchant fonctionnaire voulait enlever, du coup, PrincesseChipie a hurlé aussi. Le pauvre homme avec son listing nous a regardé, totalement effondré… »bon, ben venez tous, on va faire vite ». Il a tenu parole, 5 passeports en 40 minutes. Sérieusement, je me suis confondue en remerciements, c’est dommage de ne pas avoir noté le nom de ce monsieur, j’espère qu’il me lit. Il a été aimable, compétent, efficace, poli et patient. Il m’a même proposé avec un certain tact de refaire ma photo d’identité. C’est gentil, mais je pourrais recommencer 25 fois, j’aurais toujours l’air d’une pomme de terre mal coiffée, ce n’est pas la peine.
(Ça n’a rien à voir, mais on s’est baladé après l’ambassade)
On s’est retrouvé sur le trottoir devant l’ambassade en moins d’une heure (avec l’aide de l’admirable garde de l’entrée, tout sourire et très poli, plus du tout cerbère, qui a même porté la poussette sur les quelques marches, très gentiment), avec largement le temps de se balader, encore ahuris. Maricheri et moi vouons une reconnaissance éternelle à ce fonctionnaire remarquable qui nous a reçu. C’est promis, je ne critiquerais presque plus l’ambassade! Et donc, il y avait une coupure d’électricité à la gare de liverpool street, les trains étaient bondés et en retard, on a mis trois heures pour rentrer, mais toujours avec un sourire béat, 40 minutes pour 5 passeports. C’est beau. Vive la France!