J'ai consulté le compte-rendu de la discussion de la loi Macron tenue à l'Assemblée nationale ce samedi 14 février. Elle était consacrée, entre autres, à l'examen de son article 76, qui traite des compensations accordées aux salariés travaillant le dimanche. J'ai extrait de cet ensemble plutôt volumineux quelques phrases qui me paraissent appeler des commentaires.
M. Stéphane Travert, rapporteur thématique, déclare : " fixer un plancher de rémunération au moins égal au double de la rémunération normale est certes à la portée de certaines grandes enseignes, [...] mais pratiquement impossible à mettre en œuvre pour un grand nombre de petits commerces qui [...] risquent de ne pas pouvoir ouvrir. " Qu'est-ce qui permet d'avancer que les grandes enseignes réaliseraient le dimanche un surcroît de chiffre d'affaires qui autrement aurait été dévolu au petit commerce ?Et notre système économique fait-il une différence entre gros et petits ? Les dépenses de salaires ne sont qu'une partie des coûts supportés par les entreprises. Est-ce que la SNCF, EDF, les transporteurs, TOTAL et tant d'autres pratiquent en semaine des tarifs variant selon la taille des entreprises afin de ne pas écorner la marge des plus petites ?
M. Frédéric Lefevbre, député de la 1° circonscription des Français établis hors de France, intervient dans la discussion pour déclarer : " Aujourd'hui, dans beaucoup d'affaires, les intérêts des syndicats vont à l'encontre de ceux des salariés ". Est-ce que cet éminent spécialiste du prêt-à-porter connaît personnellement les intérêts des syndicats et surtout ceux des salariés ?
Certains députés avancent la possibilité de dédommager les salariés travaillant le dimanche par une formule d'intéressement. C'est ainsi que, M. Jean-Christophe Fromantin déclare : " un contrat d'intéressement n'est pas une formule individuelle d'incentive (sic) , où les gains d'un salarié seraient liés au volume de ses ventes ; c'est une formule collective très solidaire puisqu'elle s'applique à l'ensemble des salariés d'une entreprise. Au sein de ce dispositif, certains paramètres permettent à tel ou tel salarié d'être davantage concerné par le partage de la performance collective ". J'avoue relever une certaine contradiction interne à cet énoncé : comment est-il possible, dans un cadre qui n'est pas une formule individuelle d'incitation (j'ignore où, ce Neuilléen chef d'entreprise est allé chercher ce mot d' incentive qui fleure mot le libéralisme, peut-être outre-Atlantique), on peut avantagertel ou tel salarié ?
me semble alors pris d'une illumination subite. Mais c'est bien sûr : "
Le rapporteur thématique Mais pourquoi imposer ce système à tous, par la loi, dès lors que nous pourrions souffler cette bonne idée aux organisations syndicales lorsqu'elles négocieront et mettront en place les accords collectifs dans chacun des établissements ? " Voilà une idée qu'elle est bonne ! Nous législateurs, plutôt qu'imposer par la loi que nous élaborons, allons chuchoter à l'oreille de nos amis les syndicalistes, avec lesquels nous entretenons des relations si confiantes, comment négocier avec un patronat si ouvert au dialogue.
M. Jean-Christophe Fromantin renchérit alors : " Cette formule de contrat d'intéressement modulé par un système de pondération est très simple - certains d'entre vous l'ont sans doute déjà mis en place dans leur entreprise ". Pour sûr, la plupart des députés dirigent des entreprises et nombreux sont ceux qui sont rompus aux techniques d'établissement de formules d'intéressement, si utiles lorsqu'il n'y a rien à distribuer.
M. Jean-Luc Laurent essaie de ramener ce ministre socialiste vers ce que les salariés attendent de la loi : " Tel est [...] l'esprit de cet amendement selon lequel l'accord ou la proposition ne pourront " prévoir de contreparties inférieures au doublement de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. " Il est d'autant plus nécessaire que la loi prévoie des garanties minimales en matière de compensation que le rapport entre l'employeur et le salarié est par nature asymétrique ". M. Pouri Amirshahi vient à son secours : " Vous avez émis l'idée, hier et ce matin, que la fixation de seuils [...] pénaliserait sans doute les petites entreprises. [...] : chacun sait bien que les salariés, même lorsqu'ils sont membres actifs d'une organisation syndicale, ont les plus grandes difficultés aujourd'hui à se faire entendre, à se faire respecter, et même seulement à imposer un dialogue social. "
Heureusement M. Olivier Faure siffle la fin de la récré : " certains planchers peuvent devenir des plafonds. Quand on inscrit dans la loi le montant de la compensation minimale, on court le risque que tout le monde s'aligne sur celle-ci ". Peut-il fournir des exemples pouvant la vérité de son assertion ? Et que vaut-il mieux : empêcher (on se demande d'ailleurs comment) certains de percevoir des rémunérations extravagantes ou bien protéger ceux qui risqueraient de ne pas même percevoir une compensation minimale ?