Sylvain Tesson, Berezina !, aux Editions Guérin, 22 janvier 2015, 224 pages, 19€50.
Dans la nuit du 20 au 21 août 2014, Sylvain Tesson, adepte de stégophilie (l’art de monter sur les murs), a effrayé son entourage, ainsi que tout le milieu littéraire, en faisant une grave chute d’une dizaine de mètres, à Chamonix, alors qu’il escaladait la façade d’une maison. Ce soir-là, il fêtait la remise de son manuscrit aux Editions Guérin. Heureusement, aujourd’hui, Sylvain Tesson va mieux, et son récit Bérézina ! est sorti en librairie le 22 janvier dernier.
Alors qu’ils se rendaient au Salon du livre de Moscou, en novembre 2012, Sylvain Tesson et son ami Cédric Gras ont eu une idée, pour le moins surprenante. Ils ont décidé de réaliser un voyage improbable : refaire le trajet de la Retraite de Russie de la Grande Armée. En décembre 1812, Napoléon Bonaparte et la Grande Armée se repliaient vers la France. Deux cents ans plus tard, les deux camarades accompagnés de leur ami photographe Thomas Goisque, et de deux compagnons russes Vassily et Vitaly, prennent la route en side-car Oural, en départ de Moscou, direction Paris.
Sous la forme d’un journal de bord, Sylvain Tesson fait le récit de leur voyage, et de toutes ses péripéties. La température avoisinant les -15° C, la route souvent dangereuse, et la myopie de Sylvain Tesson font douter les quatre camarades de leur périple enneigé : « Les gars, c’est vraiment imbécile, dit Goisque. Tous les trois, n’est-ce pas, on en a fait des choses, mais là, cette route, au milieu des camions, avec nous, accrochés à ce petit panier et Tesson qui ne voit rien, c’est l’une des virées les plus dangereuses de ma vie. » Le troisième jour, de Wiazma à Smolensk, un problème mécanique les empêche de continuer. Ils doivent faire demi-tour, sans cela, ils resteront coincés au milieu d’un nulle part enneigé, au bord de la route, leurs side-cars en rade. Seulement, au moment de trouver un garage, et d’expliquer la situation, le caractère insolite de cette dernière fait douter le mécanicien, et provoque l’une des scènes les plus amusantes du récit : « Le type se montra suspicieux. Je crois que le bicorne accroché sur la nacelle lui faisait mauvaise impression. Il lui paraissait improbable que des Français aient triplement choisi l’hiver, le side-car et la vieille route de Smolensk pour rentrer chez eux. Je m’embrouillais dans mes explications d’où il ressortait que nous répétions le chemin de la Retraite et que j’avais laissé mes deux amis en arrières. « Mais Paris, c’est dans l’autre sens, dit-il. » »
Dans un style plein d’humour, Sylvain Tesson, écrivain voyageur, nous conte son voyage, ses peurs, ses envies, ses folies. En un peu moins de quinze jours, pour faire environ 4000 kilomètres, dans les conditions les plus rudes, de Moscou, à Berlin, en passant par Vilnius, et jusqu’aux Invalides, les cinq compères ont relevé le défi, et semblent surtout avoir vécu une expérience humaine inoubliable.