James Ramey c'est donc ce jeune américain de 160 kilos qui adopte très vite le surnom de Baby Huey, rapport un personnage de dessin animé. En 1963 il forme le groupe avec deux bons musiciens et soigne son look afro psychédélique, façon Sly And The Family Stone ou Funkadelic. Leur manager les fait alors rencontrer Mayfield pour une audition. Ce dernier veut absolument Baby Huey mais le reste du groupe lui semble inutile. Il les garde cependant pour l'enregistrement.
Mais entre temps, Baby Huey continue de prendre du poids ainsi que de l'héroïne et il meurt à 26 ans d'une crise cardiaque dans un motel de Chicago. Triste destinée. Mais l'histoire retiendra que Mayfield arrivera au bout de la production en rajoutant les instrumentaux et les pistes de voix et sortira l'album posthume un an après. Sur le moment c'est un four et le disque est très peu remarqué. Outch. Mais la machine était lancée et peu à peu les plus plus grands producteurs de hip-hop déterrent la pépite et la rongent jusqu'à l'os.
A Tribe Called Quest, Ghostface Killah, Method Man, Redman, The Game, Will I Am, Dj Shadow, Raewkon, Pete Rock, tous l'ont samplé, alors que l'album ne comporte que huit morceaux, et qu'en plus trois sont elles-mêmes des cover (de Sam Cooke, The Mamas And The Papas et The Impressions).
Et ces morceaux alors ? L'immense "Listen to me" composée par Michael Bruce Johnson plante le décor. Soul funky tarantinesque et débridé. La BO de soulxploitation idéale, d'une puissance phénoménale. Les deux compositions (instrumentales) de Ramey sont hélas les plus faibles, mais restent très bonnes. Quant à "A change is going to come", la reprise de Cooke, c'est la première claque quant à la voix du bébé. Quelle profondeur, c'est inouï. Il y pousse un cri à 1'53" qui défie la notion même d'aigu. Et ça déroule comme ça sur 9 minutes 30. Un chef d'oeuvre.
Deuxième composition de Mayfield, "Hard times" est l'autre sommet du disque. De son intro reconnaissable parmi mille, à son refrain tellement soul, c'est du génie à l'état pur. Idem pour "Running", autre bombe. Enfin, et plus anecdotique, cette reprise instrumentale de "California dreamin'", peut-être dispensable mais tellement bonne quand on y pense, avec son intro à la flûte et son déchainement de fureur.
En bref : jetez vous sur ce classique inestimable de la soul black américaine des 70's, rien n'est à jeter, un disque habité comme il ne s'en fait plus.