Si cet article 23 bis devait être confirmé par les députés, l'article L. 342-3 du code de l’énergie serait ainsi rédigé (nouvelles dispositions soulignées) :
« A l'exception des cas où il est nécessaire d'entreprendre des travaux d'extension ou de renforcement du réseau de distribution d'électricité, le délai de raccordement d'une installation de production d'électricité à partir de sources d'énergie renouvelable d'une puissance installée inférieure ou égale à trois kilovoltampères ne peut excéder deux mois à compter de l'acceptation, par le demandeur, de la convention de raccordement. Lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable et emporte réalisation de travaux pour des ouvrages à créer ou à renforcer conformément au schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l’article L. 321-7, le délai de raccordement ne peut excéder dix‑huit mois à compter de l’acceptation par le producteur de la proposition de raccordement du gestionnaire de réseau.
La proposition de convention de raccordement doit être adressée par le gestionnaire de réseau dans le délai d'un mois à compter de la réception d'une demande complète de raccordement. Le non-respect de ces délais peut donner lieu au versement d'indemnités selon un barème fixé par décret en Conseil d'Etat. »
Il convient de souligner qu'il s'agit ici du délai de raccordement opposable au gestionnaire du réseau concerné. Il ne devrait pas s'agir du délai opposable au producteur.
Deux situations devront être distinguées, aux termes de la loi :
- soit des travaux d'extension ou de renforcement du réseau ne sont pas nécessaires le délai de raccordement à compter de la signature de la convention de raccordement par le producteur ne peut excéder deux mois ;
- soit ces travaux sont requis mais le raccordement a été prévu par un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR) : dans ce cas, le délai de raccordement (mise à disposition) ne peut excéder 18 mois.
Cet article va dans le bon sens sous réserve de deux interprétations.
- en premier lieu, il convient de bien préciser que ce délai est opposable au seul gestionnaire de réseau.
- en deuxième lieu, il serait utile de préciser ce qu'il convient d'entendre par "travaux conformes au S3RENR" pour prévenir d'intenses débats. De la même manière, il faudra réfléchir à la procédure de révision des S3RENR qui sera sans doute sollicitée pour certaines installations mais qui doit aussi être opérée dans le respect de l'égalité de traitement des producteurs.
Cet article 23 bis qui vient d'être voté par le Sénat procède d'un amendement déposé par le sénateur (EELV) Dantec.
L'exposé des motifs de cet amendement précise :
"Afin d’encourager producteurs et gestionnaires de réseaux à une transition vers un mécanisme de marché, une maîtrise des délais de raccordement et de la transparence des travaux de raccordement est indispensable. Cette maîtrise a été partiellement engagée dans le cadre de la planification des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) initiée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement dite Grenelle II.
Son exposé des motifs indiquait déjà que le raccordement au réseau était un « élément essentiel pour le développement des énergies renouvelables, notamment en ce qui concerne l'énergie éolienne » et que le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables permettrait « d'anticiper les renforcements nécessaires sur les réseaux pour permettre la réalisation des objectifs des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie ».
Avec la visibilité administrative introduite par les S3REnR, les gestionnaires de réseaux et les professionnels éoliens peuvent anticiper techniquement le raccordement, notamment par la conduite des études et une commande groupée des équipements nécessaires, ce dès l’adoption du schéma. Ils participent dès lors à une réduction des délais de raccordement qui se sont allongés considérablement ces dernières années.
En effet, entre 2007 et 2013 le délai moyen de raccordement s’est progressivement accru pour atteindre un différentiel de 10 mois. En 2014, le délai moyen de raccordement atteint 30 mois. En guise d’exemple, un échantillonnage de 60 projets éoliens montre déjà que le délai moyen entre l’obtention de la proposition technique et financière et la convention de raccordement est de 16 mois, ensuite les délais de raccordement peuvent atteindre plusieurs années.
Par ailleurs, les coûts de raccordement connaissent quant à eux une augmentation constante et régulière. En 2013, les porteurs de projets éoliens ont dû compter sur un coût moyen du MW raccordé de 119 k€. Cela représente une augmentation de 100% par rapport aux coûts de raccordement avancés en 2007 ou encore en 2009.
Par conséquent, l’amendement proposé s’inscrit, d’une part, dans le cadre de la simplification administrative et, d’autre part, vise à accélérer la réalisation des S3REnR en instaurant un délai maximum de 18 mois de mise à disposition des solutions de raccordement lorsqu’elles ne nécessitent pas d’autorisation au titre du code de l’urbanisme.
Ainsi, l’approche proposée par cet amendement s’inspire des pratiques qui ont cours ailleurs en Europe (Grande-Bretagne, Allemagne…) et qui ne sont trop épisodiquement appliquées en France. En Grande-Bretagne, cette approche a permis de résorber une file d’attente substantielle et d’accélérer ainsi 1,2 GW de nouveaux projets dès 2009.
Le délai doit également être assorti d’un droit à injection à l’expiration de ce délai de façon à créer une incitation pour le gestionnaire de réseau de les respecter. S’ils venaient à ne pas l’être, le producteur doit être dédommagé par le gestionnaire de réseau de l’électricité qu’il aurait produite."
L'amendement ne règle cependant pas tout à fait un point important : que se passe-t-il au terme de ce délai de raccordement de dix-huit mois. L'exposé des motifs de l'amendement fait état d'un "droit d'injection" mais n'en établit pas le contenu exact.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats