On trinque avec le nucléaire! Le vin et la production ancestrale en danger.

Publié le 16 février 2015 par Plusnet


Le vin, l'un des fleurons de notre beau pays, vit ces jours-ci des heures bien sombres, surtout en région Rhône-Alpes.
Suite à leur voisinage avec des centrales nucléaires, les producteurs, constatant une mévente, tentent de trouver une solution en contournant la situation.
Le problème s'était posé pour " les coteaux du Tricastin " qui, voisinant avec la centrale du même nom, avaient vu leur notoriété se fragiliser...
Et puis est arrivé l'accident de juillet 2008, et le président du syndicat viticole, Henri Bour, propriétaire du " Domaine de Grangeneuve " a décidé d'agir.
En effet, après l'accident, les carnets de commande se vidaient, les touristes qui aimaient auparavant visiter les nobles caves se faisaient de plus en plus rares.
Alors les producteurs n'ont fait ni une ni deux, ils ont demandé aux responsables d' EDF de bien vouloir changer le nom de leur centrale, lesquels les ont éconduit avec dédain...
Il ne restait donc qu'une solution, s'incliner, et donc rebaptiser les " coteaux du Tricastin ".
À la quasi unanimité des adhérents du syndicat, il fut décidé que leur vin s'appellerait désormais " vin de pays du Comté de Grignan "...mais l' INAO (institut national de l'origine et de la qualité) veillait, et objecta que cette appellation était déjà prise. La décision finale fut donc d'y ajouter " les Adhémar " en référence à une famille du moyen-âge qui régnait à l'époque sur cette région. lien
Ainsi est née une nouvelle appellation, le " Vind'Adhémar-les-Grignan " ( lien) mais les vignes sont toujours dans le même secteur, et la centrale nucléaire du Tricastin continue de faire régulièrement des siennes.
En effet l' année 2013 a été fertile en accidents en série, et la vallée du Rhône est, avec ses 14 réacteurs nucléaires, la région la plus nucléarisée d' Europe. lien
L'année qui a suivi a malheureusement été riche en " événements " en série pour le site nucléaire, ( lien) et récemment EDF a avoué avoir menti lors du dernier " incident " en date du 31 décembre 2014. lien
Toutes ces péripéties avaient poussé Greenpeace à faire de l'humour sur le sujet en envoyant a l'ex-président de la République un camembert Flamanville, une bouteille de Tricastin, et un pot de foie gras " du Blayais ", lançant par la même occasion l' AOR (appellation d'origine radioactive). lien
Quittons le Tricastin, et " les vins d'Adhémar-les-Grignan " pour se rendre un peu plus au Nord, ou les vignerons du Bugey sont confrontés au même problème.
En effet, les viticulteurs produisant le vin du Bugey ont décidé de débaptiser la centrale nucléaire du Bugey, celle-ci perturbant l'image de leurs vins....et handicapant les ventes.
Comme le dit Eric Angelot, président du syndicat des vins du Bugey, la centrale du même nom nuit à l'image de l' AOC obtenue en 2009.
Ils ont constaté une mévente, surtout en dehors du département, et encore plus dans les pays voisins, les acheteurs faisant naturellement le rapprochement entre le nom du vin, et celui de la centrale nucléaire.
Les instances nucléaires régionales, surprises au départ, ont finit par intégrer le problème affirme Eric Angelot.
Pierre Calzat, directeur des relations chez EDF Rhône Alpes, dit comprendre le dilemme, veut continuer à maintenir le dialogue avec les viticulteurs, et serait peut-être prêt à changer le nom de la centrale.
" Pour nous, que ce soit Bugey, ou St Vulbas, n'a pas d'importance (...) tout ce que nous pourrons faire, nous le ferons (...) juridiquement, rien n'est impossible, mais changer de nom est très difficile et complexe... ".
Mais au-delà de ces paroles d'apaisement, le président du syndicat préfère des actes aux belles paroles.
Ainsi il a commencé par demander que sur les supports de communication figure le nom " st Vulbas " et non Bugey. lien
Pour l'instant, si on lance un moteur de recherche, on ne peut que constater que le nom de Bugeycontinue de figurer prioritairement, même si un timide St Vulbas fait son apparition de temps en temps. lien
Alors les viticulteurs du Bugey font grise mine, et tapent du poing sur la table, en demandant à l'exploitant nucléaire de mettre un terme à cette situation.
Sauf que la décision finale ne pourrait, d'après EDF, qu'être prise par l'Etat : il faut un arrêté ministériel affirme-t-on en haut lieu !
Du coté des militants anti-nucléaires du secteur, on fait remarquer, non sans humour et pertinence, aux élus du secteur qui ont saisi le ministère de la question : " comment peut-on d'un coté défendre les bienfaits de cette centrale vétuste et dangereuse, et en même temps demander une nouvelle appellation ? Si on est pro-nucléaire, on doit assumer le nucléaire, jusque dans ses risques, notamment ceux d'une mauvaise image... ".
il faut rappeler que si les vins du Tricastin ont eu gain de cause, c'est parce qu'en juillet 2008, la centrale nucléaire du même nom avait laissé fuir 74 kg d'uranium, ce qui avait décidé les autorités à accepter, en 2010, la demande des viticulteurs. lien
Rappelons aussi que récemment EDF a avoué avoir menti lors du dernier " incident " en date du 31 décembre 2014. lien
Les viticulteurs du Bugey auraient donc tout à gagner à utiliser l'argument de ces accidents qui se multiplient dans la centrale du même nom pour obtenir gain de cause.
Pour la petite histoire, on peut rappeler que le Beurre de la Hague a lui aussi été rebaptisé : il est passé de " Beurre de la Hague " au " Beurre Val de Saire " à cause de la piètre image donnée par l'usine nucléaire de la Cogema/la Hague. lien
Affaire à suivre donc, mais en toute connaissance de cause, que la centrale change de nom, ou pas, le risque sera bien le même...
Et le risque est gros.
Une centrale vétuste, la 2 centrale nucléaire la plus vieille de France ( lien) qui fuit de tous les cotés, avec des pannes à répétition...
Sur ce lien, proposé par l'exploitant, on peut découvrir tous les " évènements significatifs " qui ont frappé la centrale.
Des " évènements " de sureté, aux incendies, en passant par les défaillances de capteurs, les " légères " trace de contamination sur des intervenants, les indisponibilité de vannes d'étanchéité, les prises en compte tardives d'alarme, la détection tardive de l'indisponibilité d'un matériel, les fuites de tritium dans la nature, les arrêts de système de refroidissement... la liste est longue.
Le dernier pépin en date du 10 février 2015 porte sur la découverte de tritium dans les eaux souterraines. lien
François Hollande s'était engagé à la fermer lorsqu'il espérait être élu en 2012...(lien) puis il a évoqué Fessenheim...avec le succès que l'on sait.
Quand aux populations, elles ne sont manifestement pas très inquiètes, on leur a assuré que tout était sous contrôle, que tout était prévu, et qu'ils ne couraient pas plus de risque que de traverser la rue en dehors d'un passage à piéton.
Pour mieux les rassurer, début 2014, les préfectures ont simulé un accident grave, avec rejet radioactifs dans l'atmosphère.
Pompiers, gendarmes, agents EDF, personnel de l' IRSN (institut de radioprotection et de sûreté) étaient mobilisés, avec au programme évacuation d'une petite école, et ses 160 élèves. lien
Les gendarmes filtraient les principaux carrefours autour du site nucléaire, et si les élèves de l'école Hières-sur-Amby se sont bien retrouvés à l'abri, du coté de Morestel, quid de la radioactivité qui s'échappaient fictivement, et des moyens mis en œuvre pour empêcher sa progression dans toute la région ?
En effet, la population menacée concerne la 2 plus grande ville du pays puisque Lyon et sa banlieue compte plus de 2 millions d'habitants. lien
En cas d'accident majeur, il faudrait évacuer, puisqu'à vol d'oiseau, Lyon est à une trentaine de kilomètres de Bugey. lien
Les lyonnais n'ont même pas de pastilles d'iode pour se protéger...( lien) mais ils auront, espérons le, quelques bouteilles de vin du Bugey dans leur cave pour passer le temps en cas d'accident majeur, et de confinement obligatoire dans les maisons, ou d'expulsion de leurs habitations.
Et puis comment être vraiment rassuré quand la Cour des Comptes dénonce dans un rapport récent le manque de moyen de l' IRSN et de l' ASN afin de contrôler efficacement le parc nucléaire national. lien
Mais comme dit mon vieil ami africain : " tant qu'il y a de la vigne, y a de l'espoir ".
L'image illustrant l'article vient de leblogdejeudi.fr
Merci aux internautes de leur aide précieuse.
Olivier Cabanel