C’est peu dire que le nouveau Clint Eastwood fait parler de lui depuis sa sortie au Etats-Unis le jour de Noël. Ce long-métrage retrace la vie d’un ancien sniper, membre de la Navy Seal, lors de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 1991. Agendé au 18 février dans les salles romandes, le biopic fascine et dérange à la fois.
Chris Kyle aka «La Légende»
Le film est une adaptation des mémoires de Chris Kyle, tireur d’élite, devenu héros national après ses exploits lors de la guerre pour libérer le Koweït en 1991. Le surnom «The Legend» lui a été attribué au vu de sa contribution importante: un score de pas moins de 160 victimes Irakiennes éliminées (femmes et enfants inclus, mais on n’est plus à ça près). Kyle, interprété par le brillant Bradley Cooper, finit par mettre sur papier son histoire hors du commun dans un but thérapeutique – le retour au pays pour un soldat étant généralement une période délicate, surtout quand le job est de tirer dans le dos des gens. Le film met donc l’accent sur la facette psychologique d’un retour de guerre, en narrant les états d’âmes d’un combattant et les conséquences que cela engendre sur le moral et la relation à sa famille. Dans la vraie vie, Kyle a été assassiné en 2013 par un vétéran de guerre qu’il tentait de secourir. Ironie du sort?
Apologie de guerre ou introspective légitime?
Le film déchire au Etats-Unis. Il a engendré plus de 200 millions de dollars depuis sa sortie et est toujours en tête du Box-Office. Il a également été nommé six fois pour la 87ème cérémonie des Oscars qui aura lieu au Dolby Theatre de Los Angeles le 22 février prochain.
Seulement voilà, il ne déchire pas qu’au Box Office, il déchire aussi la chronique. De nombreux avis divergent quand au message délivré par le biopic. Accusé de faire l’apologie de la guerre pour certains, ne retraçant que l’histoire vraie et poignante d’une vie hors du commun pour d’autres, le film divise.
Clint Eastwood, connu pour ses films poignants dont notamment l’excellent «Gran Torino» – a-t-il fait pencher un peu trop la balance du côté pro-Bush malgré avoir lissé certains aspects du livre éponyme (Chris Kyle était un Texan très patriote)? Selon la presse spécialisée, il aurait affirmé avoir voulu s’en tenir aux faits.
Pour l’acteur Bradley Cooper, qui répondait à la question lors d’une récente interview, le film est purement introspectif et centre l’intrigue sur le personnage et ses états d’âmes post-combat, notamment sur les difficultés rencontrées dans le cadre familial et les troubles psychologiques engendrés par la guerre.
Sur la toile, les avis contraires fusent, et de nombreux tweets à caractère raciste ou islamophobe ont été recensés: «American Sniper me donne envie de shooter des arabes» ; «American Sniper me fait dix fois plus apprécier les soldats et 1.000.000 fois plus détester les musulmans». Des propos pour le moins clairs qui nous incitent à réfléchir. Est-ce que le film n’alimente pas la vision déjà peu glorieuse qu’ont les Américains des musulmans? Ne fait-il pas qu’augmenter le sentiment d’insécurité exagéré outre-Atlantique dans une Amérique déjà assez encline à une vision négative des musulmans après les attentats du 11 septembre? Est-ce que cela n’accentue pas plus le débat toujours ouvert de l’invasion américaine en Irak?
Et chez nous, qui sommes en plein post épisode Charlie Hebdo? On ne souhaite qu’une chose c’est que le film ne sème pas d’avantage de confusion dans l’esprit de ceux qui confondent encore musulmans et terroristes.
En attendant le 18 février prochain, difficile de se forger une opinion à travers un trailer qui se veut très expéditif. Normal, me direz-vous, pour une histoire de sniper…
- Alice Caspary