Date de sortie 28 janvier 2015
Réalisé par Ruben Östlund
Avec Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli,
Clara Wettergren, Vincent Wettergren,
Brady Corbet, Kristofer Hivju, Fanni Metelius
Genre Comédie dramatique
Production Suédoise, Danoise, Française, Norvégienne
Ruben Östlund s'est inspiré de l'histoire de deux amis pour écrire son film : alors qu'ils étaient en Amérique latine, des hommes armés sont entrés dans le lieu où ils se trouvaient et ont commencé à tirer.
"Chacun pour soi"
Université d’Uppsala, Département d’économie, 10 avril 2012.
Fondée en 1477, l'Université d’Uppsala est la plus vieille université de Scandinavie. Elle figure parmi les meilleures universités d'Europe du Nord dans les classements internationaux et elle est généralement considérée comme l'une des plus prestigieuses institutions d'enseignement supérieur en Europe.
Genre, Normes et Survie lors de Catastrophes Maritimes.
Mikael Elinder et Oscar Erixson
Résumé :
Depuis le naufrage du Titanic, la conviction que la norme sociale des "femmes et des enfants d’abord" confère aux femmes plus de chances de survie que les hommes lors de catastrophes maritimes et que l’équipage et le capitaine donnent priorité aux passagers s’est largement répandue. Nous avons analysé une base de données incluant 18 catastrophes maritimes sur trois siècles, couvrant le destin de plus de 15 000 individus ayant 30 nationalités différentes. Nos résultats ont fourni une nouvelle image des catastrophes maritimes. Les femmes ont clairement moins de chances de survie que les hommes et l’équipage et les capitaines ont un taux de survie nettement plus élevé que les passagers. Nous avons aussi découvert que le capitaine est en mesure d’imposer un comportement normatif, que l’écart des taux de survie entre les sexes a diminué, que les femmes ont encore moins de chances de survie lors de naufrages britanniques et qu’il n’y a apparemment pas de lien entre la durée d’une catastrophe et l’impact des normes sociales. Dans l’ensemble, nos résultats montrent que l’expression “Chacun pour soi” résume le mieux le comportement en situation de vie ou de mort.
Ruben Östlund est né en 1974 à Styrsö, une petite île à l’ouest de la Suède.
Il fait des études de graphisme avant d’intégrer l’Université de Göteborg, où il rencontre le producteur Erik Hemmendorff avec lequel il fondera plus tard Plattform Produktion.
Ruben Östlund et Erik Hemmendorff
Fervent skieur, Ruben Östlund réalise trois films de ski qui témoignent de son goût pour les plans séquences, un goût qu’il a structuré et développé lors de ses études de cinéma et qui est encore aujourd’hui un signe distinctif de son oeuvre.
Ruben Östlund s’est également rendu célèbre pour ses représentations pleines d’humour et de justesse du comportement social de l’être humain, ainsi que pour son utilisation virtuose de Photoshop et autres logiciels de traitement de l’image au sein de ses films.
Son premier long métrage Gitarrmongot, produit par le co-fondateur de Plattform Produktion Erik Hemmendorff, gagne le Prix FIPRESCI à Moscou en 2005. Involuntary suit la lignée en étant sélectionné à Cannes pour Un Certain Regard en 2008. Le film est alors distribué dans plus de 20 pays et montré dans de très nombreux festivals, gagnant à Ruben Östlund une reconnaissance internationale.
Deux ans plus tard, il remporte l’Ours d’Or à Berlin pour Incident by a bank, un court métrage dans lequel chaque mouvement de caméra a été créé par ordinateur en postproduction. La première de son troisième long métrage Play réalisé en 2011 se tient à Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, où Frédéric Boyer lui donne le "Coup de Coeur" de la Quinzaine. Après Cannes, Play est projeté à Venise et Toronto, ainsi que dans de nombreux autres festivals où il reçoit plusieurs prix et distinctions. Entre autres, Play est nommé pour le prestigieux prix Lux du Parlement Européen et gagne le Prix Nordique, la distinction la plus importante en Scandinavie.
Au cours de la dernière décennie, le style de mise en scène deRuben Östlund a influencé un grand nombre de réalisateurs scandinaves et a ouvert la voie à une utilisation novatrice des caméras HD et ordinateurs. En association avec son producteur et partenaire Erik Hemmendorff, ils ont réussi à fédérer autour d’eux un groupe de cinéastes innovateurs connu sous le nom de "L’Ecole de Göteborg".
Snow Therapy est son quatrième long métrage.
Synopsis
Tomas (Johannes Bah Kuhnke), financièremet à l'aise, mène un train de vie bourgeois et décide de prendre cinq jours de vacances dans un hôtel de luxe.
En compagnie d'Ebba (Lisa Loven Kongsli), sa femme, leurs enfants, Vera (Clara Wettergren) et Harry (Vincent Wettergren) ils se rendent aux Arcs, une station de sports d’hiver des Alpes françaises.
Un beau couple qui respire le bonheur.
Le soleil brille et les pistes sont magnifiques mais lors d’un déjeuner dans un restaurant de montagne, une avalanche vient tout bouleverser. Les clients du restaurant sont pris de panique, Ebba pense en premier à ses enfants. Elle appelle son mari Tomas à l’aide, qui a pris la fuite ne pensant qu’à sauver sa peau…
Mais le désastre annoncé ne se produit pas, l’avalanche s’est arrêtée juste avant le restaurant, et la réalité reprend son cours au milieu des rires nerveux. Il n’y a aucun dommage visible, et pourtant, l’univers familial est ébranlé.
La réaction inattendue de Tomas va les amener à réévaluer leurs rôles et leurs certitudes, un point d’interrogation planant au dessus du père en particulier. Alors que la fin des vacances approche, le mariage de Tomas et d’Ebba est pendu à un fil, et Tomas tente désespérément de reprendre sa place de patriarche de la famille.
Snow Therapy est une comédie grinçante sur le rôle de l’homme au sein de la famille moderne.
Notes du réalisateur
Snow Therapy trouve ses origines dans une question qui me fascine depuis longtemps : comment les êtres humains réagissent-ils dans des situations soudaines et inattendues comme une catastrophe par exemple ?
Ici, il s’agit de l’histoire de vacanciers témoins d’une avalanche et qui s’enfuient, terrifiés. Lorsque tout s’arrête, ils ont honte car ils ont succombé à leurs instincts primaires. Cette histoire-là m’est venue suite à une anecdote que je n’ai jamais pu oublier.
Il y a quelques années, un couple de Suédois, des amis à moi, étaient en vacances en Amérique Latine lorsque soudain, des hommes armés ont surgi de nulle part et ont commencé à tirer. Le mari a réagi d’instinct et a couru se mettre à couvert, laissant sa femme sans protection. De retour en Suède, après un ou deux verres de vin, elle ne pouvait pas s’empêcher de raconter l’histoire encore et encore...
Mon imagination a été piquée au vif. J’ai donc commencé à rechercher d’autres histoires vraies du même genre : des histoires d’urgence et de détresse, de passagers lors d’un naufrage de bateau, de touristes frappés par des tsunamis ou détenus en otage par des pirates. Dans des situations si extrêmes, les gens peuvent réagir de manière complètement inattendue et extrêmement égoïste. Il apparaît - des études scientifiques ont été réalisées sur ce sujet - qu’après une catastrophe, une attaque de pirate ou un naufrage, un grand nombre de survivants divorcent. Il semble aussi que dans beaucoup de cas, les hommes n’agissent pas selon les codes chevaleresques attendus. Dans des situations de vie ou de mort, lorsque la propre survie d’un individu est en jeu, il semble que les hommes ont davantage tendance à s’enfuir et sauver leur vie plutôt que de protéger les femmes, ce qui constitue la cause principale de ces divorces.
Cela m’a donné envie de parler de la notion reçue selon laquelle un homme est supposé être le protecteur de sa femme et de sa famille et du code social selon lequel l’homme ne doit pas reculer face au danger. À partir de là, je suis arrivé à l’idée d’un drame existentiel au sein d’une station de ski, quelque chose qui me semble extrêmement intéressant. En effet, les vacances au ski symbolisent pour moi le sentiment de maîtrise complète de sa propre vie. La station des Arcs, où Snow Therapy a été tournée, a été construite dans les années 50, comme la plupart des stations de ski européennes, pour recevoir les familles de la classe moyenne, constituée d’une mère (qui travaillait parfois), d’un père cadre et deux enfants. Le père est supposé mettre la main à la pâte et la cuisine ouverte entièrement équipée de l’appartement donne à la mère la possibilité de faire autre chose que la cuisine, par exemple skier avec sa famille ou se détendre.
Les stations de ski sont supposées être confortables comme le montre les publicités : nous imaginons la femme se relaxant et son mari jouant avec les enfants. Les vacances sont le moment où le père de classe moyenne occidental "redonne" à la famille pour compenser son absence. C’est le moment où il peut se dévouer à ses enfants et prendre soin d’eux. Mais dans Snow Therapy, "l’homme civilisé" se retrouve confronté à la "Nature". Les personnages vivent ce drame et le père, Tomas, doit faire face à son côté primitif, car ses instincts le conduisent à se sauver et à abandonner ses enfants et sa femme. Il doit faire face à la réalité : lui aussi est soumis aux forces de la nature et il n’a pas réussi à dissimuler son réflexe le plus élémentaire, l’instinct de survie. Après la panique de l’avalanche, nos personnages réussissent tant bien que mal à sourire nerveusement, ils se relèvent et se secouent pour enlever la neige... Mais, bien qu’il n’y ait eu aucun dégât physique, les liens familiaux ont été profondément bouleversés.
Nos personnages commencent lentement à se poser des questions à propos des rôles qu’ils pensaient remplir si bien et ils doivent gérer la nouvelle image de leur père, Tomas, qui n’a pas agit de la manière attendue. Tomas lui-même doit aussi concilier ses actions avec sa propre image et sa femme Ebba doit admettre que son mari et le père de ses enfants les a abandonnés au moment où ils avaient le plus besoin de lui.
Cette situation particulière illustre l’existence plus large d’attentes mutuelles spécifiques entre les membres d’une famille même si ces dernières sont rarement énoncées. Chaque personne a un rôle à jouer et chacun attend des autres qu’ils remplissent ces rôles déterminés. La plupart des gens s’attendent, peut-être de manière inconsciente, à ce que la mère s’occupe des enfants quotidiennement tandis que le père se doit d’intervenir lorsqu’une menace soudaine est imminente. Pourtant, aujourd’hui, un homme a très rarement l’occasion d’intervenir et de protéger sa famille. Il n’a aucune opportunité réelle pour réaliser ce genre d’action car il y a très peu de danger physique menaçant la classe moyenne dans la société occidentale. Pourtant, tout le monde attend toujours cela de lui et lui-même s’y attend. Cette attente m’intéresse, mais aussi le fait qu’elle est déconnectée de la réalité.
Les statistiques montrent qu’un homme est davantage susceptible d’abandonner sa famille lors d’une situation de crise que ce que l’on imagine. Les enquêtes concernant les catastrophes maritimes ont montré que le pourcentage de survivants masculins était plus élevé que celui des survivants féminins.
La scène de l’avalanche dans Snow Therapy est vraiment effrayante. Elle a été filmée dans un studio où une partie de la terrasse du restaurant a été reconstruite devant un écran vert ensuite remplacé par une belle avalanche filmée en Colombie-Britannique. Un nuage de neige numérique a enfin été rajouté à la scène. Durant la post-production de cette scène, ainsi que pour certains autres plans, j’ai appliqué des effets et / ou des mouvements de caméra avec Photoshop et After Effects, ainsi que je l’avais fait précédemment avec Play et Involuntary et, plus particulièrement, pour le court-métrage Incident by a bank dans lequel tous les mouvements de caméra ont été créés au montage.
Snow Therapy prend vie au coeur d’un environnement visuel majestueux que j’ai souhaité mettre encore plus en valeur grâce au traitement CGI, en "reconstruisant" les montagnes et certaines parties du complexe hôtelier pour créer un univers vraiment sensationnel. Bien sûr, le travail numérique restera complètement invisible, comme ce fut le cas dans mes films précédents, pour que le public ne réalise pas que l’environnement a été retouché. Nous avons tourné ce film avec des objectifs anamorphiques, en utilisant la caméra ARRI Alexa, après que Fredrik Wenzel, le Directeur de la Photographie et moi-même ayons effectué une série de tests. L’utilisation des objectifs anamorphiques permet d’obtenir un ressenti plus cinématographique, une sensation de cadrage vraiment épique dans ce décor montagneux. Ils nous rapprochent aussi davantage des personnages que dans mon précédent long métrage Play. Avec ces objectifs, il est possible de filmer en gros plan tout en ayant toujours un peu d’arrière-plan avec lequel travailler.
La structure du film suit le déroulement d’une semaine de ski classique - premier jour, deuxième jour, troisième jour... jusqu’à ce que la famille rejoigne l’aéroport le cinquième jour. La structure familiale sera exposée le premier jour dans ce cadre magnifique, avec les montagnes, le temps superbe... L’incident avec l’avalanche aura ensuite lieu le deuxième jour. Durant les troisième, quatrième et cinquième jours, nous verrons comment la famille essaye de faire face aux conséquences de l’avalanche. Cette structure en cinq jours nous permet de répéter plusieurs éléments de la routine quotidienne comme le petit-déjeuner ou le brossage de dents du soir pour pouvoir suivre l’évolution des comportements de la famille avant et après l’incident.
Dans Snow Therapy nous allons continuer à suivre Ebba et Tomas dans leur parcours, voir l’évolution de leurs sentiments et de leurs perceptions des évènements, voir comment ils vont lutter pour rester ensemble, partager leurs peines et leurs espoirs. Pour le public, l’intérêt est davantage lié à l’émotion que dans mes films précédents, plus conceptuels. Dans la scène finale, lorsque les protagonistes retournent à l’aéroport en bus, je voudrais que le dilemme de Tomas devienne universel. Les touristes se retrouvent debout sur le bord de la route, en partie à cause de l’imprudence du chauffeur, mais aussi parce qu’ils ont laissé leur peur avoir raison d’eux-mêmes. Et maintenant, ils descendent la montagne à pied. Lorsqu’ils voient le bus s’éloigner prudemment, un léger sentiment de honte collective surgit et pourtant, au fur et à mesure qu’ils marchent, ce sentiment se transforme rapidement en un sentiment de solidarité. Les masques sociaux sont tombés et ils sont maintenant capables d’agir comme des êtres humains, parmi d’autres êtres humains, sans artifice.
Mon opinion
Tout commence dans le magnifique décor des Alpes enneigées. La superbe station des Arcs en particulier.
Dès les premières minutes, l'envoûtante photographie de Fredrik Wenzl s'impose tout autant que la bande son d'Ola Fløttum. Le décor planté, le réalisateur et scénariste Ruben Östlund prend son temps, s'attarde sur des plans fixes, souvent très longs. L'unité de lieu augmente le côté asphyxiant de la situation. L'écriture soignée de son scénario pousse loin dans la psychologie de l'ensemble des personnages. Seconds rôles ou acteurs principaux. Le tout dans une très grande et profonde subtilité.
Lâcheté ou instinct de survie, être ou faire semblant, qui peut répondre et affirmer ce qu'il ferait en pareil cas ? Selon les dires du réalisateur "Il semble aussi que dans beaucoup de cas, les hommes n’agissent pas selon les codes chevaleresques attendus."
Pourtant habitué des hauteurs immaculées et enneigées, là où le silence et l'immensité renvoient l'humain à sa juste place, jamais pareille sensation d'étouffement, de déshydratation, aussi, ne m'ont pris à la gorge.
La réussite est parfaite de bout en bout.
Tous les acteurs sont excellents, et chaque rôle trouve son utilité avec une mention pour cet étrange employé de l'hôtel, cigarette au coin des lèvres, témoin de beaucoup trop de situations.
Un film fort, pesant et réussi de bout en bout.