Il y a quelque chose d’extrêmement apaisant dans l’écoute de rythmes qui vous raccrochent à vos racines et, en ce qui me concerne, dans le kayamb qui a bercé plusieurs de mes étés passés en famille à l’île de la Réunion. Et c’est peut-être bien ce qui a fini par rattraper Maya Kamaty. Fille d’une mère conteuse et d’un père chanteur et musicien, la Réunionnaise n’aura pas su résister longtemps à l’appel de ses origines et de ce maloya qui coule dans son sang.
En effet, son père Gilbert Pounia n’est autre que l’un des grands piliers du genre musical : avec son groupe Ziskakan, il a participé à la mobilisation pour la reconnaissance de la culture créole et donc, entre autres, ce blues ternaire issu du chant des anciens esclaves travaillant sur les plantations de canne.
Si le maloya a longtemps été l’apanage des hommes, les femmes ont fini par oser s’en emparer ces dix dernières années et Maya Kamaty a su l’honorer avec brio : en 2013, elle devient la première femme lauréate du Prix Alain Peters, qui récompense chaque année un jeune talent réunionnais, mais elle remporte également le Prix des Musiques de l’Océan Indien.
Sorti en octobre 2014, son premier album Santié Papang a été promu grâce à la chanson Écris-moi en métropole, mais c’est désormais la langue créole qu’elle met en avant à travers son titre Ansanm, qui avait d’ailleurs été choisi comme premier single à la Réunion. Et comme je suis gentille, j’ai pensé à vous qui n’êtes peut-être pas familier avec ce dialecte chantant et imagé de mon île maternelle… Vous trouverez ci-dessous la traduction du poète mauricien Michel Ducasse, qui a par ailleurs participé à l’écriture de plusieurs morceaux de ce bel opus.
En tournée en France cette année, cela ne m’étonnerait pas que l’on retrouve Maya Kamaty et ses musiciens dans les festivals belges cet été : elle aurait particulièrement sa place dans le line-up de Couleur Café selon moi…
Ansanm/Ensemble :
Car la mer dévore
Car le vent dehors
Ébranle mon corps
En ravine qui mord
Aucune lumière
Teintant les dégâts
Le boucan s’emballe
En valse, Alenga
Sur l’acacia noir
Gousses qui chantent et tremblent
Inventent des histoires
Pour dormir ensemble
Car la mer dévore
Car le vent dehors
Ébranle mon corps
En ravine qui mord
Rafales sous varangue
La pluie pilonne la tôle
La bougie embrume
Lentement se consume
Blottie au drap de nous deux
Je lirai dans tes yeux
Forgeant une histoire
Pour vieillir ensemble
Car la mer dévore
Car le vent dehors…