L’actualité est tellement fournie actuellement qu’il devient difficile de faire un choix dans la tornade de sujets qui se présentent, tous plus truculents les uns des autres. Cependant, à la franche rigolade se succède la consternation et parfois un ferme agacement en voyant se collisionner des faits divers qui, malheureusement, pointent tous dans une même direction.
Et cette direction ne laisse aucun doute : les élites auto-proclamées qui nous gouvernent sont pathétiquement incompétentes. Jusqu’à présent, certains pouvaient émerger du lot par la grâce de connivences politiques et d’une communication bien rodée, mais, à mesure que le niveau général s’est mis à sombrer, les connivences sont devenues un peu trop visibles, et la communication s’est elle aussi faite plus médiocre.
Prenez le cas du pauvre Manuel Valls, le pénible et peu crédible premier ministre dont Hollande nous a affublé pour s’en débarrasser. Déboulant à Marseille avec la ferme intention de parler de chiffres de la délinquance, dont on sait pourtant qu’ils ne sont pas bons, le politicien s’est retrouvé à pérorer sur les performances de la police et de la justice alors qu’à quelques centaines de mètres de là, la faune locale d’une cité pudiquement dite « sensible » se trémoussait au son des kalachnikovs. Le patron de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel, s’est même retrouvé sous les rafales alors qu’il se rendait sur place. Pour rappel, Marseille est officiellement toujours en France, et normalement devraient y régner les mêmes lois républicaines qu’ailleurs.
C’est, bien évidemment, parfaitement grotesque. Mais le plus grotesque est que, devant ce fiasco communicationnel évident, le premier ministre n’ai pas adapté ni son discours, ni son comportement au changement dramatique de contexte dans lequel il évoluait. Paralysé par cette violence inattendue, il a continué comme si de rien n’était. On frémit à l’idée que cette personne et son équipe puisse envoyer des militaires hors de notre sol sur des opérations délicates. Oh… wait….
Dans la même semaine et pour faire bonne mesure, on apprend que l’UMP doit débarquer la personne chargée de la présidence des jeunes du parti, un certain Stéphane Tiki, Camerounais de son état, dont il apparaît qu’il travaille en France alors que ses papiers ne sont pas en règle, ou plus exactement, qu’il n’a plus de titre de séjour du tout. Certes, on ne peut pas reprocher à l’UMP de faire preuve d’un humanisme et d’une mansuétude assez larges pour positionner un sans-papier à la présidence de « leurs » Jeunes, mais on peut clairement se demander où est sa cohérence alors que ce parti a largement démontré, dans d’autres circonstances, vouloir lutter contre la distribution de titres de séjours aux clandestins. Bref, cette assez grosse bévue de gestion de ressources humaines est un nouvel embarras qu’on doit ajouter aux nombreux autres pour ce parti, qui prouve amplement qu’on peut très bien être un gros parti politique en France et être géré absolument n’importe comment. Ici, pour faire bonne mesure, je pourrais parler des dissensions internes du PS et de ses « affaires » multiples, qui n’ont rien à envier non plus à celles de l’UMP, histoire de mettre tout le monde à l’aise, mais point trop n’en faut, je pense que vous saisissez l’idée générale.
Et dans ce contexte, les remarques d’un Gérard Longuet éclairent fort bien la nature réelle de cette gestion calamiteuse :
« Quand vous devenez chef de parti, vous êtes obligé de vous battre avec des gens qui inventent tous les matins quelque chose pour exister eux-mêmes et en général en crachant dans la soupe qu’on devrait manger en commun. »
C’est, en réalité, un excellent résumé non seulement de la façon dont fonctionne un parti politique, mais, à plus forte raison, dont fonctionne un gouvernement et, plus généralement, l’État français actuellement : tant dans les administrations qu’aux différents niveaux de pouvoir, tout est fait pour que les uns tirent joyeusement dans les pattes des autres, ce qui au passage coûte des fortunes aux Français obligés de supporter ce genre de comédies. Les petits jeux de pouvoir qui agitent le microcosme d’un parti sont fidèlement reproduits dans les couloirs de l’Assemblée, du Sénat et de chacun des ministères, avec en surcroît la démultiplication des frictions et des gabegies qu’entraîne l’accès aux ressources quasi-inépuisables des caisses publiques.
Si, comme le pleurniche Longuet, diriger un parti est un travail de chien parce que tout le monde crache dans la soupe commune, alors diriger la machine républicaine française ne peut pas être autre chose non plus pour exactement les mêmes raisons. Et c’est d’autant plus vrai qu’aucun des politiciens parvenu récemment à un poste important n’a montré de réelle capacité de leadership au-delà de quelques aficionados épars qu’une communication trop bien calibrée fait toujours passer pour une foule nombreuse et colorée. Au manque de charisme maintenant évident des amibes hideuses qui nous gouvernent, il faut aussi ajouter leur décontraction complète vis-à-vis des problèmes réels des Français, ce qui n’aide évidemment pas à leur donner, même de loin, une stature d’homme de rassemblement, de leader ou que sais-je encore…
À cette aune, les gesticulations pathétiques de Valls en pleine fusillade ou les approximations de gestion de l’UMP dans ses ressources humaines apparaissent pour ce qu’elles sont : non pas des boulettes, des imprévus, des petits trous dans une chaussée normalement droite et bien lisse, mais bien une caractéristique essentielle, l’illustration d’un mode de fonctionnement par défaut(s). Pour Valls, son absence dramatique de réaction appropriée – changer son discours, par exemple, n’aurait pas été inutile – est la démonstration que la non-réaction est un comportement normal, toute déviation hors des rails fixés par les communicants risquant de faire chavirer le train-train ministériel. Pour le débarquement gêné de Tiki à l’UMP, l’absence de tout contrôle des personnes en responsabilité n’est pas un oubli passager mais, là encore, le comportement normal des dirigeants qui n’ont en réalité que faire de l’image du parti qu’ils incarnent, la leur étant bien plus importante.
Encore une fois, ces petites péripéties (car ce ne sont que ça : des petites péripéties sans intérêt, finalement) illustrent de façon claire la décadence généralisée dans laquelle se vautrent avec un plaisir certain (ou, à tout le moins, une absence chronique de toute réflexion) les cadres dirigeants de partis, les ténors de la classe politique et, par extension, leurs vassaux qui s’empressent, par mimétisme, de reproduire ce qu’ils ont vu réussir si bien. Et ces éléments rejoignent, encore une fois, les réflexions que je me faisais dans un précédent billet ou je notais à la suite de l’affaire Thévenoud, ce pauvre député atteint de phobie administrative, que plusieurs dizaines de parlementaires étaient aussi en délicatesse avec le fisc et que cela ne semblait inquiéter personne.
En fait, avec ces exemples récents, on se doit d’ajouter l’incompétence et l’absence calculée de réaction à la sociopathie de plus en plus évidente dont il faut affubler la plupart de nos représentants, choisis, on le rappelle, non pour leur compétence mais parce qu’ils sont les gagnants d’un jeu macabre et grotesque où il faut être le plus veule, agressif, roublard et le plus machiavélique.
Une question continue donc de s’imposer, toujours plus forte : sérieusement, vous n’en avez pas assez de voter pour ces guignols ?
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