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Monologue d’une femme au portable très énervée

Par Montaigne0860

(Elle compose un numéro) Non ! Toi-toi-toi, regarde ta bouche… Ben non, oui, tu le vois pas, Nicolas, le chocolat, là, Nicolas, le chocolat, là, là, là, essuie-le j’te dis ! Allô, oui, le garage… Justine Gentil, oui. Essuie là, au-dessus, là, le chocolat Nicolas… Allô, oui, excusez-moi, oui, c’est le petit, alors cette voiture, je l’aurai là ? J’ai qu’à passer ? Nicolas, tu vas essuyer ce bon dieu de chocolat ? … Bon, je peux passer là ? … file, toi, Jennifer, file, tes chaussures nom de dieu, Jennifer, lace tes godasses… et toi Nicolas tu t’es peigné avec un pétard ? … Allô ? Quoi ? Elle est prête ? .. Justine Gentil… Pas de souci, j’attends… Quelle heure il est ? Vache de vache, tu vas voir qu’on va être en retard à l’école… C’est quoi vous dites ? Le logiciel en panne ? Mais je m’en fous ! Vous êtes pas fichu de le réparer ? Oui ? Bon ! Quoi ?? 100 euros ? Bon tant pis réparez ! Ce soir ? Ok, ok,ok. Nicolas t’as du beurre sur le front. Essuie, Nicolas ! Essuie ! Mais non, pas l’essuie- glace, je m’en fous de l’essuie-glace ! Je parle à Nicolas ! Pas à vous ! Essuie encore Nicolas, mais non ! Pas avec ta manche ! Oui, à ce soir, oui… Vacherie de logiciel, 100 euros, vous les accrochez pas avec des bouts de saucisse, vos logiciels, 100 euros ! Jennifer, t’es foutue comme l’as de pique ! Jennifer, Jennifer, réponds quand je te cause… Allô ? Zut, il a raccroché ce garagiste de merde ! Nicolas, tes chaussettes, oui, làààà, elles sont à l’envers tes chaussettes, regarde, mais regarde donc ! Jennifer t’as donné à manger au chien ? Bon, j’appelle votre père… après tout faut bien qu’il serve à quelque chose cet incapable ! Il me faut une bagnole pour l’école ! Bon j’appelle votre père. (Elle compose le numéro) Allô ? C’est le stress, c’est le stress, c’est le stress. Allô ? Merde, le répondeur. Laissez un message, oui c’est ça, touche dièse. Ben tiens, je t’en ficherais moi des touches dièses, comme si le portable était un piano à queue ! Julien, Julien, message urgent ! Julien radine tout de suite. J’ai pas de bagnole. Faut emmener les petits à l’école. Oui, j’embauche à neuf heures. Grouille-toi et plus vite que ça espèce d’incapable. Rappelle tout de suite ! Tout de suite, j’te dis ! Il va pas rappeler, il va pas rappeler, tu vas voir qu’il va pas rappeler ! Je fais quoi moi ? Jennifer, tes lacets, fais voir ? Ah, ben, c’est pas trop tôt ! Ton cartable, Jennifer, ton cartable. Mais non ! Nom de dieu, fais attention au miroir de l’entrée, Jennifer. Et Nicolas, il est où Nicolas ? Aux toilettes ? … mais c’est pas dieu possible, il a toujours envie de pisser quand il faut pas, çui là ! (Le portable sonne) Allô ? Ah, c’est toi, incapable ? Pas trop tôt ! C’est la bagnole. Ben oui, ma bagnole est en panne. Nicolas remonte ta braguette. Regarde, mais regarde ! Remonte ta braguette, j’te dis ! Je l’ai laissée au garage hier. Je devais la récupérer ce matin, mais tu parles ! Ben oui, t’as jamais été fichu de l’entretenir cette bagnole ! Jennifer je te signale que t’as enfilé ton pull à l’envers ! Ce sera d’ta faute, Julien ! Je t’assure que si on est en retard ce sera de ta faute ! Radine ici ! Tout de suite, oui, tout de suite ! La vache, il a raccroché. Ah, les femmes seules, j’te jure, la liberté des femmes, tu parles ! Au divorce le juge te confie les enfants parce que t’es la bonne femme, et vogue la galère. Une vraie galère oui ! Non, mais il viendra pas cet abruti de Julien, je le connais comme si je l’avais fait. Il viendra pas, sûr ! Bon, un taxi, je dois avoir la carte de visite quelque part, là, ah voilà ! Nicolas, pour la millième fois, remonte ta braguette ! Regarde ta sœur, elle est prête, elle. (Elle compose le numéro) Ah, Jennifer, rentre l’étiquette là dans ton cou. Au fait, t’as donné à manger au chien ? Comment ça « non » ?! Allô, taxi ? Oui, une urgence, c’est très urgent. 27 boulevard de la république, au 27, oui, je vous attends en bas, pas de souci. Moins de cinq minutes ? Ok, pas de souci. Jennifer, le chien, c’est toi qui l’a voulu ce chien quand ton père est parti. T’avais promis juré craché que tu t’en occuperais, non ? Je me trompe ? T’avais promis. Allez file ! Nourris-moi cette pauvre bête. Non, Nicolas tu l’aides pas ! Reste ici ! Ici Nicolas ! Nicolas ici ! … Ben Nicolas, qu’est-ce que t’as ? Tu pleures ? Ben pourquoi tu pleures ? Ben ça alors ! Faut pas pleurer, on va aller à l’école en taxi, pas de souci, le taxi. Tu verras, c’est bien, le taxi. C’est chaud, c’est doux, c’est confortable et puis … c’est quand même autre chose que la bagnole pourrie de ton père. (Le portable sonne) Justine Gentil, j’écoute !.. Julien ! Ça alors ! T’es lภEn bas ? Super ! Tu te souviens que t’as une famille ! C’est merveilleux, quel homme ! Comme quoi faut pas désespérer de l’humanité ! …Comment ? Comment ? Comment ? Qu’est-ce que tu dis ? Quoi ? En arrivant trop vite t’as percuté un taxi qui arrivait à toute allure ? Vous allez faire un constat en bas là ? Mais qui est-ce qui m’a foutu des crétins pareils ?? (Elle raccroche en rage ; elle prend une longue respiration) Bon, Jennifer et Nicolas, allez, on y va. On y va en bus. Allez, Nicolas, essuie tes larmes, on va prendre un beau petit bus de la ville. Un beau, un bleu avec des décors rouges à l’intérieur. On sera bien au chaud. On sera très bien. On sera à l’heure, pas de panique, pas de souci. On sera bien au chaud, tranquilles, tous les trois, en commun ; les transports en commun Nicolas, tu verras, pas de souci, on y va ensemble.. Jennifer… toi… et moi… en commun, en commun, tranquilles, tranquilles, tranquilles…


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