Lors de mon passage à Islamabad, j'ai interrogé un vieux musulman sur les vrais ressorts de sa religion.
C'est un homme pieux qui n'espère et ne craint que le bon Dieu.
Je ne voulais pas soulever avec lui des problèmes théologiques, ni m'attarder sur la bonne ou mauvaise lecture du Coran, mais percer le secret de certaines convictions, dites dogmatiques.
Je voulais mesurer la part de tolérance ou d'intolérance propres à la conscience musulmane.
Le vieux a anticipé en me disant que ma curiosité qui est loin d'être malsaine, ne s'adresse pas à lui mais à la vie.
Et que nous enseigne la vie ?
Que tous ceux qui ont vécu ont compris que tout ne peut être permis... et qu'on le veuille ou non, il y a toujours une limite, une fin décrite par la nature et une fin prescrite par l'esprit... l'éthique ou la politique.
La maladie, la souffrance, la mort nous le rappellent chaque jour. Parce que ce n'est pas la limite qui nous limite mais l'illimité, l'indéterminé, l'indéfini. L'apeiron comme disent les grecs, c'est le chaos... le n'importe quoi, n'importe comment.
Tout homme a besoin d'une définition avant de songer à la moindre qualification, d'une conscience avant de passer à l'action.
Conscience de quoi?
Conscience de soi qui m'indique d'emblée que je ne suis pas seul au monde, ni le maître du monde : il y a comme quelque chose au-dessus qui me murmure que je ne suis pas n'importe qui, que je ne dois pas faire n'importe quoi, qu'il faut régler mes pas sur ce qu'il y a de plus grand, de plus beau, de plus vrai, sous peine de devenir insensé.
Le sens y est : Il faut le découvrir, prendre la peine de le faire surgir, à l'intérieur et à l'extérieur de soi, sans quoi la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Du sens... du sens... c'est la raison d'être de toute existence... je l'ai trouvé dans le Coran... dans les versets du plus Grand.
Et pour les versets qui prônent la guerre continue contre les ennemis de votre religion, vous diriez quoi?
Que comme dans toutes choses, on n'y trouve que ce qu'on y met, les satans du satanique et les devins du divin.
Je ne vous réciterai pas le refrain d'un islam comme religion sans contrainte... parce que mon Dieu ne force la main de Personne, c'est ma main qui s'efforce vers Dieu... parce qu'il n'y a et ne peut y avoir de ciel que pour celui qui s'élève... il faut sans cesse grimper et s'agripper pour ne pas tomber. Car il n'y a pas de base sans sommet.
Il y a le très haut. Il y a le très bas...
L'escalade est nécessaire. L'escalade est salutaire.
Soumission oui ou non ?
Non... parce que les insoumis ne sont pas conscients d'être soumis au plus offrant... Leur insuffisance est criarde à cause de leur suffisance. Ils se croient tout permis, en proclamant la mort de Dieu et en divinisant l'homme... il n'y a pas plus nihiliste que nos humanistes : ils n'aiment ni Dieu, ni l'Homme.
Et soumission OUI pour l'homme épris de liberté et conscient qu'il n'y a pas de liberté sans verticalité. Pas de sens sans transcendance... la Foi n'est rien que le plus haut niveau de conscience.
Pour vous rendre la chose sensible, de deux choses l'une :
Ou Dieu existe ou il n'existe pas.
S'y soumettre s'il existe est la moindre des choses.
S'y soumettre, s'il n'existe pas, c'est se soumettre à Rien...
Tout à y gagner dans un cas, rien à perdre dans l'autre.
Et puis pour qui vous prenez Dieu ? Pour un vulgaire et austère esclavagiste ?
Non... madame... Dieu réclame la part la plus libre de nos âmes.
Sans me pousser au crime, ni au blasphème, accepteriez-vous l'amour de celui qu'on a contraint et forcé à vous aimer ? Je suppose que non. Dieu, non plus. Il ne retient que les prières des hommes libres.
Mais cette soumission ne me semble pas propre à l'Islam, on la retrouve dans le judaïsme et dans le christianisme, n'est-ce pas?
Pas tout à fait: eux, ils sont soumis à LEUR vision de Dieu; alors que nous, nous ne sommes soumis qu'à LA vision de Dieu...c'est ça le Coran.