Le plus petit pays du Golfe mais grand allié des États-Unis, particulièrement ébranlé par les secousses du Printemps arabe, est le théâtre depuis le 14 février 2011 de manifestations régulières de la majorité chiite qui réclame une monarchie constitutionnelle. Peu après le début du soulèvement, la dynastie sunnite avait écrasé ces protestations dans le sang, avec le soutien militaire de l'Arabie saoudite.
"Avec nos âmes, avec notre sang, nous nous sacrifierons pour toi, Bahreïn", "A bas Hamad", le roi, scandaient hommes et femmes brandissant le drapeau rouge et blanc du royaume et des portraits de militants emprisonnés, selon des témoins. La police, présente en masse, a tiré des gaz lacrymogène et des grenades assourdissantes pour disperser la foule, rassemblée à l'appel de la Coalition du 14 février, un mouvement de jeunesse très actif sur internet.
Dans les villages chiites, pierres, poubelles, branches d'arbres et pneus enflammés s'amassaient dans les rues en barrages de fortune, tandis que la police était postée à l'entrée et sur les routes principales du pays pour empêcher les manifestants d'atteindre la capitale, Manama, selon des témoins. Le chef de la sécurité publique, le général Tariq al-Hassan, avait invité la population à "se tenir éloignée de toute activité susceptible de causer des troubles et de menacer la sécurité ou l'ordre public".
Bahreïn, située sur le Golfe en face de l'Iran chiite, accueille sur son territoire la 5e flotte américaine. Il est aussi l'un des pays arabes à soutenir la campagne aérienne menée par Washington contre l'organisation État islamique. Les tensions y sont vives et les divisions confessionnelles s'exacerbent à mesure que se creuse le fossé entre le gouvernement dominé par la minorité sunnite et l'opposition chiite qui réclame une monarchie réellement constitutionnelle, avec un Premier ministre élu, indépendant de la famille royale. Mais la dynastie des al-Khalifa a jusqu'ici refusé de céder.
Le chef de l'opposition, cheikh Ali Salman, accusé d'avoir tenté de renverser le régime, et a été emprisonné. Son arrestation le 28 décembre, peu après sa reconduction à la tête du principal parti d'opposition, al-Wefaq, a déclenché des manifestations quasi quotidiennes dans des villages chiites.
Les attaques visant les forces de sécurité ont augmenté.
"Peu d'espoir"
"Le mouvement a atteint sa quatrième année avec une situation qui ne fait qu'empirer, et des citoyens menacés de perdre leur nationalité d'un jour à l'autre", a twitté le Wefaq - interdit pour trois mois fin 2014 pour des manquements à la loi sur les associations.
Les autorités ont retiré la nationalité à des dizaines d'opposants ces dernières années, déclenchant des condamnations de défenseurs des droits de l'homme. "Il semble y avoir peu d'espoir de progrès à Bahreïn. L'opposition est tout juste légale", analyse Neil Partrick, expert du Golfe pour un centre de réflexion britannique, l'Institut royal pour les études de défense et de sécurité.
Les parties ont échoué à dépasser leurs divergences dans le cadre d'un dialogue national qui a capoté en dépit de plusieurs rounds de négociations. al-Wefaq a refusé de reprendre les discussions en septembre, malgré une nouvelle proposition mise sur la table par le prince héritier Salman ben Hamad al-Khalifa.
En novembre, l'opposition a boycotté les élections législatives qui ont été remportées par des sunnites favorables au gouvernement. Pour al-Wefaq, le 14 février 2011 a marqué "le début d'un mouvement pacifique (...) réclamant une démocratie", et les protestations "pacifiques" doivent continuer "jusqu'à ce qu'une solution politique soit trouvée".
Mais une telle solution semble lointaine dans le plus petit pays du Golfe, voisin des Saoudiens, pôle d'influence majeur dans la région. "Bien qu'ils aient montré un certain intérêt dans les pourparlers internes à Bahreïn, les dirigeants saoudiens semblent laisser les éléments les plus conservateurs au sein de la famille régnante bahreïnie décider des orientations politiques du pays", estime M. Partrick.
Lundi, Manama a ordonné la fermeture permanente de la chaîne de télévision Alarab du milliardaire saoudien al-Walid ben Talal, qui avait donné la parole à un opposant chiite bahreïni dès son premier journal d'informations.
Source : Lorientlejour