"Ceci est un message pour Blackstone… Vous ne savez pas de quoi nous sommes capables…" Face à une caméra, une vingtaine d’espagnols, hommes ou femmes de tous âges, font part de leur colère et menacent le fonds d’investissement américain : "Écoutez attentivement, Blackstone. Nous allons nous battre pour nos maisons, pour nos droits, pour notre dignité, pour nos fils, nos filles et nos petits-enfants." La vidéo, qui mêle activistes, personnes déjà expulsées ou en passe de l’être, a déjà été vue plus de 10000 fois depuis sa mise en ligne, mercredi 11 février.
Si ces personnes sont en colère, c’est parce qu’elles sont menacées d’être expulsées de leurs maisons après le rachat de leur emprunt par Blackstone. Depuis deux ans, dans sa volonté de s’imposer sur le marché immobilier face à la concurrence d’autres groupes comme Goldman Sachs ou Apollo Management, le fonds d’investissement a en effet acheté près de 42000 crédits hypothécaires sur des propriétés à Madrid et Barcelone.
Dans une Espagne en crise, les municipalités et gouvernements régionaux ibériques n’hésitent plus à céder ces emprunts immobiliers, auparavant détenus par des banques ayant depuis fait faillite. Blackstone est désormais le premier détenteur de biens immobiliers espagnols, s’engageant par la même occasion sur le terrain glissant des expulsions.
Avec 67000 expulsions en 2013, l’Espagne est un pays traumatisé par le phénomène. La vague a même donné naissance à des groupes de résistance pacifique, dont la Plataforma de afectados por la hipoteca (PAH) – plateforme espagnole contre les expulsions. C’est elle qui a organisé les manifestations qui se sont tenues mercredi à Barcelone, entraînant dans son sillage des collectifs à New York et à San Francisco. Le but : protester contre les expulsions toujours en cours par les banques espagnoles, avant que Blackstone ne fasse définitivement l’acquisition de ses parts et ne prenne le relais.
Dans le "New York Daily News", le porte-parole de Blackstone, Peter Rose, a déclaré que seuls 11 locataires étaient menacés d’être mis dehors sur plus de 5000 cas où les propriétaires rencontraient des difficultés pour rembourser leurs emprunts, mais les militants de la PAH ne croient pas à ces promesses.
"Nous voulons que Blackstone respecte les gens"
Santi Mas de Xaxas est un militant de la PAH.Notre mouvement lutte contre les expulsions en occupant des banques et des bâtiments vides. Avec des activistes, nous avons réuni des personnes déjàexpulsées ou qui risquent de l’être pour investir une agence de la banque CatalunaCaixa, dans le centre de Barcelone, qui s’apprête àvendre ses crédits àBlackstone. J’y suis entréavec une quarantaine de militants vers 9 h du matin. Les employés de la banque ont demandénotre expulsion vers 14 h, et la police nous a finalement évacuéun par un dans la soirée. Il n’y a pas eu de violence, notre but n’est pas de créer des problèmes et la police nous connait. D’ailleurs, nous étions àvisage découvert.
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"New York s'est mobilisé en même temps que Barcelone"
Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, New York et San Francisco étaient donc également concernées, avec un mouvement de moindre ampleur. À l’initiative du collectif hispanique Marea Granate, une vingtaine de personnes s’étaient ainsi réunies à New York, comme nous l’explique Elia Gran, membre du groupe.J’avais rencontré Santi Mas de Xaxas un an auparavant, lors d’un de ses passages aux États-Unis. Il nous a fait part de son combat en Espagne, et nous nous sommes logiquement associés à sa mobilisation. À12 h 30 heure locale, alors que les membres de la PAH étaient dans la banque de Barcelone, nous nous sommes postés devant le consulat espagnol avec des banderoles. Motivée par ce qu’elle considère comme une "mobilisation internationale", PAH promet d’autres actions : "Ce n’est que le début. Nous allons organiser d’autres actions aux États-Unis, en Espagne et peut-être en Grande-Bretagne. Nous voulons que Blackstone reconsidère la situation et respecte les gens", dit Santi Mas de Xaxas. Source : France24