Plusieurs responsables politiques libanais ont rendu hommage à l'ancien Premier ministre assassiné. "Ils t'ont tué, mais ils ne réussiront pas à tuer ton projet", a écrit le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, dans un Tweet.
"Les compétences et les relations de Rafic Hariri nous manquent", a déclaré le député Ahmad Fatfat, membre du Courant du Futur à la Voix du Liban (VDL, 93.3). "Aujourd'hui, nous détruisons tout ce qu'il a fait au Liban, pour son unité nationale, sa force et sa position sur la scène internationale et arabe", a-t-il également indiqué.
L'attentat du 14 février 2005 ayant coûté la vie à l'ex-Premier ministre milliardaire a poussé Damas, pointé du doigt pour ce meurtre, à retirer ses troupes qui étaient postées au Liban depuis 30 ans. De nombreux Libanais ont alors cru en une nouvelle ère, permettant à leur pays d'être libéré de l'hégémonie de son grand voisin syrien. Mais l'espoir a été de courte durée. Rapidement, le Liban s'est fracturé entre un camp hostile à Damas, appuyé par Washington et Riyad, et un autre partisan de la Syrie et de l'Iran, plongeant le pays dans des crises récurrentes.
Le conflit syrien qui a débuté en 2011 a exacerbé ces divisions, notamment quand le Hezbollah a décidé de voler au secours de son protecteur, Bachar el-Assad.
Samedi, le leader du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt s'est rendu, accompagné de son fils Taymour et des députés Marwan Hamadé et Ghazi Aridi, sur la tombe de Rafic Hariri au centre-ville de Beyrouth et y a déposé une gerbe de fleurs. Le chef du bloc du Futur Fouad Siniora s'est également rendu sur la tombe de l'ancien Premier ministre. Quelques minutes avant 13h (heure à laquelle l'attentat du 14 février 2005 avait été perpétré) la flamme se trouvant en face du Saint Georges et construite sur le lieu de l'attentat perpétré contre M. Hariri a été éclairée, comme chaque année.
Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a lui aussi rendu hommage à M. Hariri, assurant qu'il "avait une grande vision, une initiative unique qui s'est distinguée lors de son mandat par des réalisations politiques, économiques et sociales". M. Salamé, qui s'exprimait lors d'une conférence organisée à l'intention des femmes du Courant du Futur, a en outre estimé que l'ancien Premier ministre a "incarné l'esprit d'initiative dans les domaines humanitaires, politiques et économiques et nous espérons que les membres de sa famille poursuivront la voie qu'il a tracée".
Critiqué pour avoir marié politique et affaires et pour la dette exorbitante de la reconstruction, Rafic Hariri était néanmoins loué pour avoir attiré les investisseurs et relancé le tourisme. Dix ans après son meurtre, les blocages politiques, les violences et le flux de réfugiés syriens ont laminé l'économie et fait fuir les visiteurs.
Lundi, un député du Hezbollah s'est félicité du fait que le Liban soit passé d'une destination touristique à un pays "fort" grâce à sa "résistance".
Rafic Hariri avait été tué le 14 février 2005 dans un attentat à la bombe lorsque 1 800 kilos de TNT avait explosé au passage de son convoi. Cet attentat avait ramené le Liban au bord de la guerre civile. La Cour pénale internationale de La Haye a inculpé cinq membres du Hezbollah pour leur implication dans cet assassinat. Un procès par contumace s'est ouvert en janvier 2014 et le parti chiite a toujours démenti les accusations portées contre lui.
Surnommé "Monsieur Liban", Rafic Hariri, architecte de la reconstruction, voulait "transformer le pays en un symbole de la modération et un garde-fou contre l'extrémisme", selon Hilal Khashan, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth. Connu pour sa patience, "il représentait le courant sunnite modéré et après son meurtre, des extrémistes sunnites sont apparus".
Premier ministre sous la houlette syrienne de 1992 à 1998, puis de 2000 à 2004, le milliardaire est passé dans l'opposition après la reconduction du président Emile Lahoud, imposée par Damas. Soutenu par Riyad et grand ami de Jacques Chirac, il a appuyé la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu appelant au départ des troupes étrangères du Liban, "ce que les Syriens ne lui ont jamais pardonné", d'après M. Khashan.
"Hariri a remis le Liban sur la carte mondiale, cela a énervé" la puissance tutélaire, affirme Daoud al-Sayegh, ancien conseiller du dirigeant assassiné.
Le choc de l'assassinat aurait pu être "un évènement fondateur pour l'union du pays", estime Farès Souaid, un dirigeant de la coalition anti-régime syrien née après l'attentat. Mais "dix ans plus tard, on assiste à la fragilisation de l'Etat et à un retour des communautés à leurs barricades", regrette-t-il.
Pour M. Sayegh, "les Libanais ne sont pas parvenus à se libérer d'une situation où ils sont otages des conflits de la région".
Source : Lorientlejour