Ce roman est captivant ( lu en 2 jours je n’ai pas pu le lâcher terminé à 1h), il raconte l’histoire d’un jeune metteur en scène Georges qui se retrouve embarqué dans la mise en scène d’Antigone d' Anouilh pour honorer la promesse faite à un vieil ami metteur en scène grec Samuel. Celui-ci juif, résistant au régime des colonels en Grèce avait rencontré notre héros des années plus tôt à la fac de Jussieu où il était venu parler.
Georges marié à Aurore et père de famille d'une petite Louise décide de mettre en scène 1 représentation mais dans un endroit particulier choisi par son vieil ami Beyrouth en pleine guerre du Liban, en ayant pour acteurs des personnes venant de toute les communautés religieuses pour prouver que le théâtre peut amener la paix pendant 1 représentation.
Dans ce récit on parle beaucoup de théâtre, de ce 4eme mur qui protège les acteurs et les fait ne pas s’adresser au public, on parle de l’engagement, des combats d’extrême gauche, de la lutte contre le fascisme, de la violence qui explique le combat de George et ses liens avec Sam.
Notre héros idéaliste, éternel étudiant décide donc de reprendre le projet de son mentor, son protecteur qui se conduit comme un père alors que le sien a toujours été un étranger.
Il y a une réflexion sur l’héritage, la mémoire quand Sam lors d’une manif fait prendre conscience à Georges que les flics ne sont pas des SS, que sa rébellion est puérile car il ne risque pas vraiment sa vie contrairement à ce qui se passe en Grèce ou qui s’est passé pendant la 2nde guerre. Il y a une réflexion sur l'engagement et jusqu'où on peut aller pour défendre ses croyances, sa terre, son histoire.
Antigone est un symbole du refus de l’autorité, de l’arbitraire, c’est une pièce que j’adore et qui fait écho aux pouvoir que peut avoir les mots et la littérature. Au cours de l’histoire quand le narrateur doit convaincre ses acteurs des différentes communautés chacun donne une symbolique différente à Antigone et Créon comme en 1944 pour Anouilh où certains y ont vu l’apologie de la collaboration et d’autre une ode pour la résistance. Il y a comme une mise en abîme croire que l'art et donc l'humanité peut survivre, exister même en temps de guerre comme en 1944.
Il décrit l’horreur de la guerre, et le point de vue de chaque camps, l’horreur des snipers, la peur de mourir, les humiliations, le fait que l’autre est un ennemi. Les camps qui s’affrontent palestiniens, druzes, chrétiens, chiites. Le seul ilot est ce rêve fou d’Antigone « la petite maigre » incarnée par la belle Palestinienne Imane institutrice qui fait réciter du Mahmoud Darwich à ses élèves. Ces mots de Victor Hugo demain dès l’aube avant des tirs du sniper meurtrier Joseph Boutros,Charbel le chrétien joue Créon, Nakad le druze est Hémon. On suit les destinées de ces êtres au coeur de la guerre.Mais rien ne va se passer comme prévu pour Georges et ses acteurs.
Les traumatismes liés à la guerre, l’impossibilité de pardonner, la violence comme seule réponse, le chaos et l’enfer de Beyrouth dans tous les camps sont retranscris, le massacre des civils, la peur omniprésente, les bombardements. Les descriptions sont d'ailleurs très réalistes, presque comme dans un reportage de guerre ce qui donne une intensité et une force au récit.
Georges ne peut plus s’extraire de ce pays, de sa tragédie, de cette pièce et de ce malheur qui se joue sous ses yeux avec comme complice Marwan son fidèle allié chauffeur de taxi qui va tout faire pour le dissuader et le protéger. Comment continuer à vivre comme si il ne se passait rien ? peut-on participer à un conflit même si on n’est pas directement concerné ? Peut-on retrouver une vie normale et continuer à vivre en France?
Ce récit est prenant, on est embarqué avec le narrateur de ces premiers combats à cette quête, on assiste au départ à son insconscience du conflit ( il est la voix du choeur un peu lointaine au départ d'Antigone) puis au fait qu’il est de plus en plus investi dans cette guerre, son incapacité de revenir au monde, à la paix après ce qu’il a vu.
Cette réflexion sur la barbarie, la violence, la folie des hommes mais aussi sur le combat pour les idées, le théâtre est magistralement menée comme une tragédie moderne. Le héros devient la marionnette d’un conflit qui peu à peu le dépasse et l’envahit, le recouvre d’ombre. Ce récit est splendide et remuera vos tripes alors n’hésitez pas et traversez le quatrième mur. Celui qui met à nu et touche à l’humain, qui essaye de comprendre l’indicible et comme moi vous serez bouleversée par ce récit.