de Lenny Abrahamson.
Sorti le 4 février 2015.
Frank est un Objet Cinématographique Non Identifié, entre cinéma expérimental et road movie.
Un jeune anglais, Jon (Domhnall Gleeson), compositeur amateur et joueur de clavier, intègre par hasard un groupe de musique. Composé d’une hystérique électro (Maggie Gyllenhaal), d’un guitariste français, d’une batteuse amorphe et d’un manager aimant faire l’amour à des mannequins de vitrine, le band a aussi un leader charismatique : Frank, chanteur/composteur/gourou qui porte en permanence une tête artificielle. Ce dernier pratique une prose disons… plutôt particulière, et alterne exaltation et dépression. Pour Jon, ce groupe est le révélateur de ses aspirations profondes, le début d’une vie de bohême, loin de son triste job de bureau. Quand toute la troupe s’enferme pendant des mois dans un cottage en plein milieu de la campagne irlandaise pour enregistrer un hypothétique et improbable album, on assiste à des scènes burlesques et farfelues mais rafraîchissantes. Frank n’est pourtant pas un film profondément léger. Les personnages, par leur instabilité, sont tour à tour touchants et inquiétants.
Pendant tout le film, une question taraude Jon: pourquoi Frank porte-t-il cette fausse tête, lui donnant une allure de poupée humaine ? La figure peinte sur la tête factice est figée, mi-apaisante mi-effrayante. Michael Fassbender, qui campe Frank, joue avec son corps, toujours aussi fin, qui contraste avec l’énormité de la tête. Ses déplacements deviennent donc essentiels, tout comme sa voix et son accent. Très bonne trouvaille du scénario, Frank se met à décrire, à la demande de Jon, ses expressions faciales. Fassbender, une fois de plus, affirme ses choix hétéroclites. Sans faire de choix carriéristes, il est en perpétuelle recherche de nouvelles expériences artistiques. Et Frank en est une, assurément !
La caméra se pose en témoin de l’ambiance créatrice qui déborde. Elle s’immerge dans la vie commune et quotidienne du groupe psychédélique, comme dans un documentaire original. Mais soyons lucides : le film ne plaira pas à tout le monde. Il faut, pour voir Frank, s’attendre à voir quelque chose d’inédit, de poétique, et dépasser une vision classique de la narration. Ici, rien de linéaire, mais des scènes qui sont presque autant de digressions qui nous éloignent du fil conducteur. Le scénario existe, bien entendu, mais la scène semble être la véritable unité narrative. Plus que l’histoire en elle-même, c’est l’humour et les questions que le film soulève qui nous restent particulièrement en mémoire. Frank est un objet de curiosité qui ravira les esprits curieux.
Pauline R.