Quand, en 1850, elle arrive dans
l’Ohio, Honor Bright a presque tout perdu. En Angleterre, déjà, son fiancé
avait rompu. C’est d’ailleurs pourquoi elle avait décidé d’accompagner, dans un
grand voyage inconfortable – Honor découvre l’horreur du mal de mer –, sa sœur
qui l’entreprend pour se marier avec un compatriote émigré depuis peu. Mais
Grace, tombée malade sur le sol américain, meurt sans avoir eu le temps
d’arriver dans son nouveau foyer. Honor est donc seule sur une terre inconnue
où rien ne ressemble à son pays d’origine. Pas tout à fait seule,
cependant : quaker, elle est accueillie par la famille dans laquelle
devait entrer sa sœur et la religion devient le seul point de repère solide
entre les deux continents.
Tout le reste la déstabilise, à
commencer par l’existence, aux Etats-Unis, de l’esclavage. Dans le Sud, certes,
mais des esclaves fugitifs traversent la région dans l’espoir de trouver refuge
au Canada et Donovan, un chasseur de primes dont Honor ne tarde pas à faire la
connaissance, se charge de les rattraper sans y mettre de formes. Il est du
côté de la loi. Les quakers, pour qui un homme en vaut théoriquement un autre,
quelle que soit sa couleur de peau, hésitent à se mettre en travers de son
chemin. Honor, malgré la désapprobation générale, participe à ce qu’on appelle
le chemin de fer clandestin que suivent les esclaves. Quand elle sera mariée,
puis enceinte, elle vivra de plus en plus mal les pressions qui tentent de le
lui interdire. Jusqu’à devenir elle-même La dernière fugitive
Tracy Chevalier nous enchante depuis
La jeune fille à la perle, son
premier roman traduit en français. Celui-ci, le septième, avait de quoi
susciter quelques craintes : le bien et le mal, clairement répartis dans
les différents points de vue sur l’esclavage, risquaient en effet de rendre les
personnages totalement aimables ou totalement détestables, selon leur position.
Mais le noir et blanc, si l’on ose dire, a été évité par une romancière trop
fine pour se contenter de clichés. Son livre, outre qu’il nous introduit dans
le monde assez fermé des quakers, est d’abord une œuvre vivante et vibrante.