Le sujet est extrêmement vaste : parler de la musique à la Chapelle Royale aux XVIIe et XVIIIe siècles nécessiterait de nombreux articles. Aussi, je sollicite l’indulgence du lecteur qui voit ce thème résumé en 30 lignes.
Des différents corps de musique au service de la cour royale, la Musique de la Chapelle est sans doute le plus sollicitée, aux côtés de la Chambre (musique instrumentale de divertissements) et la Grande Ecurie (musique de cérémonie). Son origine remonte aux rois mérovingiens et sa destination première n’a pas changé jusqu’à la fin de la Monarchie. La fonction de maître de musique auprès de la Chapelle Royale ne date donc évidemment pas de Louis XIV. On sait par exemple que dès le règne de Pépin le Bref, des maîtres de chapelle romains sont appelés à la cour pour former la schola impériale au chant romain, ancêtre direct du chant grégorien. De même, sept siècles plus tard, à la mort de François Ier, la Chapelle Royale compte déjà 23 musiciens et deux sous-maîtres (dont Claudin de Sermisy). Le même François Ier fonde d’ailleurs une Chapelle de Plain-Chant de 15 membres : l’un des mieux payés est… le muletier, chargé de porter les coffres remplis de livres de chant.
Au début du XVIIe siècle la fonction est partagée entre deux sous-maîtres de chapelle, tous deux ecclésiastiques. C’est ainsi qu’à la mort d’Henri IV, Nicolas Formé et Eustache Picot se partagent l’année. En 1643, début du règne de Louis XIV, c’est au tour de Jean Veillot et Thomas Gobert. En 1663, à la mort de Jean Veillot, l’année est divisée en 4 quartiers de trois mois chacun : janvier, avril, juillet et octobre, avec respectivement, Thomas Gobert, Pierre Robert, Gabriel Expilly (que je ne connais pas, j’avoue) et Henry Dumont. Autre nouveauté, si Gobert et Robert sont prêtres, les deux autres sont laïcs. La charge d’organiste, distincte de celle de sous-maître est également divisée en quartiers. C’est toujours le cas aujourd’hui…
Le sous-maître avait pour tâche non seulement d’assurer la musique lors des cérémonies religieuses, quotidiennes – le roi assistait quasiment tous les jours à la messe basse où étaient chantés quelques motets – mais aussi de former les jeunes chanteurs (les pages) qui chantaient les parties de sopranos. Car il faut noter que, contrairement aux cours italiennes, les castrats étaient absents. Les femmes entreront dans l’effectif à la fin du XVIIe siècle.
Grands noms donc, mais aussi grande musique. La Chapelle Royale va donner le la de la création musicale en France, au moins jusqu’à la mort de Louis XIV (beaucoup moins après, il faut le reconnaître, d’autres formations comme le Concert Spirituel concurrençant fortement la Chapelle). On lui doit notamment l’éclosion et le développement du grand motet, forme musicale spécifiquement française, à cinq voix (dessus, haute-contre, taille, basse-taille et basse), propice aux polyphonies complexes et à l’alternance d’un petit chœur et d’un grand chœur, soutenus par de nombreux instruments de musique qui accompagnent le chœur et interprètent des parties purement instrumentales. Des chefs d’œuvre sont directement issus de la Chapelle Royale ! Jugez-en par les extraits ci-dessous.
Vous me direz, depuis le début de cet article, on parle de « sous-maître », et le maître ? En fait, cette distinction était purement honorifique et administrative. Elle était tenue par un ecclésiastique, de haut rang. La fonction a existé de 1543 à 1761. Sous Louis XIV, elle est tenue par Cyrus de Villiers, évêque de Périgueux et surtout Charles-Maurice le Tellier, archevêque de Reims et Melchior de Polignac, évêque d’Auch. Dans la réalité, les vrais maîtres de musique furent les sous-maîtres.