Inspirer, expirer, souffler, faire une pause, reprendre son souffle, lentement, sentir son corps qui suit le mouvement intérieur de l'air. Respirer encore !
Une simple quête d'identité.
Et dans ce moment intense de la nuit, du quasi silence extérieur, ne plus être concentrée que sur mes doigts, mon écran, les mots, entre voyelles et consonnes, sans limites. Respirer le parfum de la cardamone et du réglisse mêlés au thé noir, la douce vapeur d'une tasse, non loin d'une souris immobile, un clic, elle vit, mais comme les mains travaillent plus vite, seul le texte compte, les détails viendront ensuite. La mise en forme, de quelques clics, des habitudes, un rituel même pour commencer ma première phrase, mais après, tout coule naturellement, sans limite, surtout celle du temps. La nuit absorbe mon espace, que je sois assise sur une chaise dans un coin de paradis, en plein été, au bord d'une piscine ou là-bas, dans cette vieille chambre, un coin de grenier, à la campane, chez ma grand-mère, je suis seule, libre et uniquement avec mes mots. Je vis dans mon entière dimension intérieure, au rythme de mon souffle, lent, très lent, comme un marathon.
Une liberté incomprise des autres parfois, quand je quitte un groupe d'amis, en pleine discussion pour me retirer plus loin, non que le bruit me dérange, mais je me cloisonne et soudainement je ne suis plus là. Respirer alors devient un acte vivant d'un corps absent, avec seul un esprit en pleine création. Mes yeux observent le jour, lisent la nuit, il y a des réactions physiques réelles, comme le fait de manger, de déguster, de boire ce fameux thé, complice à toutes heures. Bien sûr, il y a la vie, le cours quotidien rempli de missions, de rapports, de services, de boulot, d'attente de boulot. Et puis le summum, la beauté, la fraîcheur, la bonté, les sentiments et ses bras forts autour de moi, lui, cet homme qui m'aime sans relâche, discret, présent, obstiné dans ses sentiments pour sortir l'artiste qui se cachait en moi. Née dans un famille où au-delà du travail, on possède le don de dessiner, de peindre, avec un frère qui lui est devenu photographe talentueux, je ne savait pas donner vie à des formes. J'étais seule, pas vraiment, pas artiste, pas musicienne non plus, un vide apparent quand les uns et les autres s'invitaient à leurs expositions pro ou amateurs.
Une absence de netteté, un trouble extérieur, une possibilité cachée en moi.
Et puis en respirant, conquise par le bonheur, entre deux moments d'amour, au fond d'un lit, j'ai eu envie de l"écrire, sans nuances, sans sexe, simplement parler de lui. Puis de moi, les scribouillards commencent souvent par là. Puis une nouvelles, deux, trois, d'autres, des débuts sans fin, des textes sans raison, et ses yeux au-delà de ma simple robe en laine, de mes jambes enveloppées d'un collant noir sous moi, de mon cahier et de mon stylo. Il a osé, tendrement lire par dessus mon épaule, et là, il n'a plus rien lâché, pris entre le sentiment étrange de violer mes mots, en me le demandant malgré tout, en forçant mon refus, moi bloquant mais n'attendant que son avis. Pessimiste sur les pages, celles-là, j'ai entendu ses critiques plus sur le fond, à développer selon lui que sur le style, ma forme, mon style. J'ai relu le lendemain, seule puis avec lui, j'ai pris mon courage, un grand bol d'air pour croire en moi. Un long parcours de nuits blanches, d'angoisses puis cette méditation écrite, gardée ou jetée suivant les soirées.
Depuis il prépare mon thé, s'installe dans le fauteuil club plus loin, sans frontières avec ma bulle, lit, écrit parfois, crayonne un peu de design pour son plaisir. Souriant, son regard suit mon confort habituel, ma routine. Comme ce soir, une lampe, un coin de lumière, mon portable, mon clavier, ma tasse de thé, mes jambes repliées, ma robe douce, parfois mon étole plus chaude en plus. Quand je voyage dans mes textes, j'oublie tout, je découvre alors qu'il m'embrasse en allant se coucher, qu'il me masse le dos, sans bruit, tactilement en relation avec mon corps abandonné, moi prise par le flux de mes phrases, de mon histoire. Je suis libre, je suis heureuse qu'il m'est révélée, sans me forcer, sans le dire, sans l'écrire, juste avec quelques sentiments, toujours présents.
Ligne après lignes, page après page, je respire son parfum.
Nylonement