Après avoir fouillé dans les limbes des années quatre-vingt du côté de l’Italie, et plus particulièrement de Turin avec les rééditions de Musumeci et une récente compilation du label attenant à ce duo, Der Zeltweg, la structure néo-berlinoise Mannequin Records s’attaque désormais à la même période s’agissant de la Perfide Albion, l’une des décennies les plus tumultueuses vécues outre-manche, entre thatchérisme et guerre des Malouines, gréve des mineurs et violence sociale, corruption des élites et émeutes raciales. Et ce, en extrayant de cette nuit noire propice à l’anti-fascisme, l’anticapitalisme et l’anarchisme la discographie d’un groupe aussi radical dans son attitude que sa musique : Bourbonese Qualk. Émanant à l’orée des eighties de Southport, ville balnéaire de la côte Ouest britonne, et emmené de 1983 à 1987 par les activistes Simon Crabb, Steven Tanza et Julian Gilbert, le groupe s’installe à Londres, squattant dans le sud de la ville sur Old Kent Road un immense immeuble, et met en branle aussi bien ses expérimentations industrielles – terme ici relatif à l’image même que cette musique combat avec en filigrane de l’industrie du disque, la culture de masse et la société du spectacle – que l’auto-gestion totale quant à la diffusion et la production de celles-ci. Ils enregistrent sur cette période dans leur studio, l’Ambulance Station, cinq albums – Laughing Afternoon (1983), Hope (1984), The Spike (1985), Preparing For Power (1986) et l’éponyme Bourbonese Qualk (1987) – qu’ils sortent via leurs propres labels, Recloose Organisation puis New International Records. Versant prolétaire de l’agression esthétique chère à Throbbing Gristle, Bourbonese Qualk, qui concevait ses élucubrations proto-électroniques comme l’un des vecteurs de la parole révolutionnaire et du changement radical, va inlassablement tester son public, poussant celui-ci dans ses retranchements, optant alors pour la révolte ou la soumission. Reprenant en quelque sorte le flambeau laissé en 1984 par Crass et Steve Ignorant de l’anarcho-punk sur le terrain des grondements synthétiques, et contemporain de Test Dept, le trio, à géométrie variable après 1987, incarne l’essence même de l’indus britannique, à quelques encablures temporelles d’une techno né d’un même terreau. Ainsi, s’écartant des vingt-deux morceaux sélectionnés parmi les cinq LP précités par Simon Crabb lui-même et Alessandro Adriani, instigateur de Mannequin Records (lire), et remastérisés par le Hollandais Rude 66, c’est de l’antienne Lies, bricolée via un TR 808 et inclue dans Preparing For Power, que le duo techno Allemand Ancient Methods (lire) se sert, via un maxi additionnel à la compilation sortant le 23 mars prochain, pour établir un héritage aujourd’hui plus qu’évident et fructueux.