Fondée au Kenya par un jeune entrepreneur britannique, OkHi propose une application smartphone fournissant une adresse physique à ceux qui en sont dépourvus.
Le chiffre est éloquent. Plus de la moitié de l’Humanité (quatre milliards d’individus) ne possède pas d’adresse physique ou postale, du fait de systèmes de numérotations imprécis ou inexistants, voire d’absences de nom de rue. Nombreuses sont les situations où ce manque d’adresse présente un sérieux handicap, en matière économique notamment (difficultés pour se faire livrer des produits, avoir accès à un crédit...). Cela peut même devenir une question de vie ou de mort lorsqu’une ambulance est appelée en urgence. Avec sa start-up OkHi, Timbo Drayson souhaite changer la donne. Sa solution ? Une application smartphone qui confère une adresse physique à son détenteur. « OkHi fournit deux informations essentielles : la géolocalisation du domicile et une photo de la porte. Il est ensuite possible de partager ces informations par email, WhatsApp ou SMS, à l’aide d’une courte adresse URL. Lorsque quelqu’un souhaite venir chez moi, il lui suffit d’ouvrir le lien pour avoir accès à toutes les informations nécessaires pour trouver son chemin. » explique-t-il.
L’adresse est strictement privée, et son propriétaire la partage avec qui bon lui semble. « Dans de nombreux pays développés, les adresses sont vendues et revendues comme des données marketing, et votre boîte aux lettres est inondée de publicités. Nous voulons être sûrs que les utilisateurs d’OkHi choisissent qui a accès à leur adresse, particuliers, entreprises et gouvernement.»
Faciliter le développement économique
C’est à partir d’un voyage au Kenya que Timbo Drayson mûri son projet, convaincu de l’importance des nouvelles technologies pour surmonter certains obstacles. « Je n’avais pas encore mon idée en tête au moment où je me suis installé. J’ai passé plusieurs mois à interviewer des hommes d’affaires, en quête d’un problème qui leur soit commun. Et bien qu’aucun d’entre eux ne l’ai affirmé directement, il est rapidement devenu clair que l’un des principaux freins au développement économique était le système d’adresses. Notamment pour déplacer des biens matériaux à travers le pays. » relate-t-il. Il n’est d’ailleurs pas le premier à s’y attaquer. Le gouvernement kenyan utilise de son côté le système traditionnel : attribuer un numéro à chaque maison. Problème : le processus est très lent. En deux ans, seuls trois quartiers de Nairobi ont pu être numérotés. En zone rurale, cela devient quasiment impossible. D’autres start-ups ont également cherché une solution, en utilisant elles aussi la géolocalisation par GPS. Selon Timbo Drayson, sa valeur ajoutée par rapport à ces concurrents repose sur la photographie : « Le GPS à lui seul ne suffit pas. Il aide à parvenir dans les 100 mètres autour de la maison, mais l’on peut encore perdre une demi-heure à chercher la bonne porte. La photo prend alors toute son importance, pour repérer instantanément sa destination. »
Système de numérotation incomplet, voir inexistant, ou absence de noms de rue privent de nombreux hommes d'une adresse postale. Ici, une rue de Nairobi.
L'absence d’adresse, un problème mondial
L’application est gratuite pour les utilisateurs. Lorsqu’une entreprise souhaite utiliser une adresse (avec l’accord de son propriétaire), OkHi la lui fournit contre rémunération. Son business model repose donc en grande partie sur l’e-commerce, domaine dans lequel les entreprises ont besoin d’avoir accès à des adresses fiables pour assurer leurs livraisons dans de bonnes conditions. Heureuse coïncidence qui n'en est pas une, le Kenya est le premier pays du monde en terme de paiements mobiles. Et si pour l’heure, seuls 5 à 10% des Kenyans sont équipés de smartphones, Timbo Drayson est convaincu que son innovation contribuera à doper ce marché déjà florissant : « Une adresse physique n’est pas seulement une information pratique, c’est votre identité. L’accès au financement est faible dans de nombreux pays émergents car les entreprises de crédit n’ont pas d’informations fiables sur leurs débiteurs. Avoir une adresse physique, c’est offrir une garantie à ses créanciers. C’est pourquoi nous espérons qu’avec OkHi, le smartphone ne sera plus seulement un outil de communication, mais aussi un investissement.»
Selon le jeune entrepreneur, le problème ne se cantonne pas aux pays en développement et concerne le monde entier. « Le Japon, par exemple, a un gros problème d’adresses. Le système est décomposé en différents blocs, facilement identifiables, mais à l’intérieur de chaque bloc, il est très difficile de s’y retrouver si on ne connait pas les lieux. Même en Grande-Bretagne, je me souviens avoir passé dix minutes à descendre et remonter la même rue pour trouver le bureau d’un investisseur potentiel… J’ai rencontré des américains et des canadiens, notamment issus de zones rurales, qui m’ont témoigné de leur intérêt pour notre système… C’est un problème qui concerne tous les pays. » Après le Kenya, OkHi à la conquête de l’Afrique, puis du reste du monde ?