Amour du travail

Publié le 11 février 2015 par Malesherbes

Samedi 8 février, dans son émission On n’est pas couchés, Laurent Ruquier recevait Thomas Piketty, auteur du succès de librairie Le capital au XXI° siècle. Pour s’opposer à la croissance continue des inégalités dans nos sociétés, cet économiste propose d’imposer plus fortement les plus hauts revenus. Il s’attire alors une question de Léa Salamé qui lui demande si une telle mesure ne risquait pas de décourager des vocations d’entrepreneurs. Et, peu satisfaite de sa réaction, elle réitère avec constance son interrogation.

Il est navrant de voir une si belle intelligence succomber aux charmes de ce qui semble être le ressort de toute notre société : l’argent. Le but d’une existence ne saurait être la quête de l’argent. C’est en premier lieu s’exposer à rester insatisfait toute sa vie : quel que soit le montant des richesses accumulées, on aspire à toujours plus. Ce genre d’individu est dans l’erreur. Le but de l’homme est de se réaliser, de produire, de créer.

Il y a quelques années, on m’avait raconté qu’un État, peut-être l’URSS, avait tenté d’instaurer l’égalité salariale. Un chirurgien percevant le même salaire qu’un facteur, on avait abouti à une pénurie des premiers et une abondance de candidatures pour les seconds. Il avait donc fallu renoncer à ce noble projet. Je demeure un peu sceptique devant ce que je tiens pour une fable. Je demeure convaincu que, dans un tel système, à condition de couvrir leur responsabilité, on trouverait encore des volontaires pour préférer le bistouri à la sacoche de l‘employé des Postes.

Nous ne sommes pas tous égaux face au travail. Ceux qui n’ont pas les moyens de choisir leur profession et doivent accomplir un travail inintéressant à seule fin de gagner péniblement de quoi faire subsister leur famille n’ont guère de chances d’être satisfaits de leur activité. Mais, fort heureusement, des millions d’autres trouvent là l’occasion de se réaliser. Je me souviens d’avoir confié à un collègue, au cours de ma carrière, à l’issue d’une présentation particulièrement réussie ou d’un cours avec une très bonne participation des élèves : « Ne le répète à personne mais, c’est si agréable, que je serais prêt à payer pour pouvoir faire ça. » 

Les patrons ne sont pas tous satisfaits de cet état d’esprit. N’est-ce pas, voilà des salariés qui se passionnent pour ce qu’ils font. Comment les piloter si on les laisse apprécier jusqu’à quel point ils peuvent passer du temps sur telle ou telle étape de la confection d’un produit, faisant ainsi des cadeaux aux clients ? C’est tellement plus productif de les orienter vers la solution la plus profitable en lui attribuant une prime adéquate. Malheur à qui aime trop son travail, que l’argent soit son seul guide !