Le film aux 50 nuances tant attendu a été présenté à la presse et autres guests en avant-première hier matin. A l'aube de la Saint-Valentin, j'ai assisté à la projection signée Universal Pictures avant sa sortie en salle ce mercredi. Je vous propose un récit détaillé comme si vous y étiez ainsi qu'un rapport complet du livre et de son adaptation au cinéma.
" La sortie de Cinquante Nuances de Grey s'accompagne de mesures inédites pour maîtriser les critiques dans la presse " expliquent deux journalistes d'Europe 1. Une première dans l'histoire du cinéma, Universal Pictures a imposé à la presse ayant assistée à l'avant-première de ne publier aucune critique, fût-elle positive ou négative avant la sortie officielle en salle mercredi 11 février 10h00. Ils ont été priés de s'engager à respecter un embargo. Quand je dis embargo je n'abuse pas, signature de contrat et tout le tralala paranoïaque qui va avec.
Le livre
50 millions d'exemplaires papier du roman vendus en moins d'un an. La trilogie soft porn d' EL James conte l'histoire d' Anastasia Steele, jeune et concupiscente étudiante en littérature anglaise qui tombe amoureuse de Christian Grey, un milliardaire torturé adepte de sexe peu conventionnel et de châtiments corporels stylisés. D'une rencontre fortuite naîtra par la suite une passion torride entre les deux protagonistes. L'histoire s'intéresse à la rédemption d'un insaisissable Christian mais aussi à la libération d'une Ana, vierge effarouchée. Un récit qui mêle à la fois fantasmes et phantasmes.
La popularité du livre est due à la surprise des éditeurs qui pensaient tout savoir sur les envies et désirs du sexe faible. Il paraît qu'en lisant le livre, les femmes se sont découvertes une passion pour le fisting et autres joies du SM. Hum cette éventualité me laisse perplexe. Une chose est sûre, l'élément inattendu est que la honte de la fiction érotique réside en grande partie dans l'imagination ; et une fois que les gens avaient lu Fifty Shades Of Grey, ils se sentaient heureux d'en discuter ouvertement. Considérons, par ailleurs, la façon dont la culture classique et la culture populaire sont entrées en collision. Il est depuis longtemps normal de lire Le Monde ou The Financial Times alors pourquoi pas Cinquante Nuances de Grey ? L'érotisme est une niche parmi tant d'autres. Certes, cette révolution a pris plus de temps à s'affirmer mais aujourd'hui, elle est devenue monnaie courante. Cinquante Nuances vient s'ajouter à la liste des récits érotiques destinés à une génération de lecteurs qui aurait -il y a quelques années- été gênée d'être vu en train de lire ce genre de bouquin.
Et mon avis dans tout ça ? Eh bien, il faut savoir qu'à la base, je ne suis pas férue de ce genre de " littérature ". La démocratisation du sexe pour en faire un objet culturel est la pire des infamies. On détruit la sensualité. On détruit la subtilité. On détruit l'inconnu. On détruit la pudeur au profit de la déchéance physique ! Je fais partie de ces puristes qui affectionnent Voltaire, Montesquieu et autres illuminés du 18° siècle. D'ailleurs, Cinquante Nuances de Grey est le premier livre de ce registre que je découvre. J'ai succombé à l'appel satanique de ce cher et tourmenté Christian Grey suite à la pluie d'articles sur la blogosphère. Résultat des courses ? Je ne comprends pas pourquoi autant d'engouement autour de cette affaire ! Il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. L'histoire est plutôt bonne et prenante, seulement voilà : l'exercice de rédaction se limite au classique " sujet, verbe, complément ", n'en déplaise à certains. Les conducteurs narratifs sont boiteux, les dialogues improbables, les tics d'Anastasia sont irritants : une guerre constante entre sa conscience de prude et sa " déesse intérieure " plus frivole. A en juger uniquement sur la qualité de l'écriture, je dirais que le livre pourrait cartonner dans une bibliothèque de collège auprès d'adolescents aux poils pubères naissants et à la sexualité encore inexplorée -du moins, j'ose le croire-.
Le film
Mardi 10 février 2015. Paris, avenue des Champs-Élysées. Matinée brumeuse et fraîche. Munie de mon carton d'invitation, je me présente à l'entrée du cinéma UGC Normandie, excitée telle une puce en vadrouille dans les bas-fonds de la chevelure dreadloksée d'un Hippie de mai 1968. 9h30 et c'est déjà noir de monde ! Normal, Christian Grey et ses pratiques pas très catholiques sont attendues comme le Messi depuis des mois. Je me fraye donc un chemin entre la masse de journalistes, blogueurs et autres invités pour atteindre le premier check-in : vérification du sac et présentation de l'invitation. Quelques pas puis un second check-in : présentation de la pièce d'identité. Je monte l'escalator, troisième check-in : remise du dossier de presse. Je me dirige vers la salle, quatrième check-in -encore- : vérification que le téléphone portable est bien éteint. Pas sur vibreur ou sur silencieux. Non. Éteint je vous dis ! Avec autant de protocole, tu te dis que le film est un deuxième Gravity, Avatar ou Interstellar. Du jamais vu dans l'Histoire du Septième Art. Oui mais non à vrai dire.
Comme mentionné dans le dossier de presse, Cinquante Nuances de Grey réveille et répond à la curiosité de millions de personnes, toutes cultures et communautés confondues. La saga s'est transformée en un phénomène universellement connu. En peu de temps, la trilogie est devenue une des séries de livres les plus vendues de l'Histoire avec plus de 100 millions de copies dans le monde, traduites en 52 langues. Les quatre mots qui composent le titre du tome 1 résonnent comme un nouveau synonyme de sensualité. C'est là que je ne suis pas d'accord. Pour avoir lu les deux premiers tomes, je ne qualifierai pas les frasques d' Anastasia et Christian de " sensuelles ". Le mot qui me vient à l'esprit est tribal ou clanique.
L'adaptation cinématographique a été l'objet d'intenses spéculations et d'une curiosité sans bornes. Quand tu vois le compteur de vues du trailer sur Youtube, tu ne peux qu'être scotché !
Et mon avis dans tout ça ? Franchement, autant le film est d'une manière ou d'une autre fidèle au livre, autant, je n'ai pas du tout accroché au jeu des acteurs. Parlons peu, parlons physique. J'imaginais un mister Grey doté d'une beauté sans pareil, un charisme à en faire pâlir Obama et une prestance à en faire frémir Luther King. Je n'ai rien contre Jamie Dornan, mais je voyais plus un Matt Bomer ou un Henry Cavill dans ce rôle. Quant à Dakota Johnson, physiquement, elle fait l'affaire. Elle a cette douceur et fragilité dans le regard propre à miss Steele. Cela dit, en terme de prestation théâtrale, le niveau ne vole pas bien haut. Tout au long du film, j'ai eu cette frustrante impression que les acteurs ne s'étaient pas imprégnés de leurs rôles respectifs. Aucun frisson. Pas de poils qui se hérissent. Pas de souffle coupé. Rien. Un amoncellement de fadeur et une platitude affligeante. J'avoue m'être assoupie à certains moments tellement le jeu était mou.
" Le style du livre, les scènes qu'il contient et leurs descriptions sont très visuels " précise le producteur Michel de Luca. Le film reprend bien l'univers, je le concède. D'ailleurs, un des décors les plus anticipés et occupant une place prépondérante dans le récit est la Chambre Rouge, tanière secrète de Christian dans laquelle il se livre à ses pratiques sexuelles les plus extrêmes. Ce lieu représente son côté le plus sombre. Dans ses livres, l'auteure décrit cette pièce dans les moindres détails ; ces éléments ont été repris dans le film. L'univers qu' EL James a créé sur le papier s'est prêté à la transposition au cinéma. De la glorieuse collection de cravates de Christian à sa flotte inépuisable de voitures hors de prix en passant par Charlie Tango, l'hélicoptère EC130.
Pour finir, la seule chose que je trouve superbe dans cette adaptation cinématographique est la bande originale. Pour la réalisatrice Sam Taylor-Johnson, la justesse des choix musicaux et de la musique originale était aussi importante que toute le reste. Pour accomplir cette mission, elle a fait appel à Danny Elfman, Ellie Goulding ou encore Queen B avec un enregistrement exclusif de son morceau d'anthologie Crazy In Love, mis en musique par l'artiste Boots.
Si je devais endosser ma cape de juré, j'attribuerais au film la note de 5/10. Appréciation : passable, aurait pu mieux faire. Pas plus sulfureux qu'un téléfilm qui passe sur Teva. La passion dans une relation abusive avec des personnages sans la moindre saveur. J'ai du mal à comprendre l'intérêt de toute cette fanfare. Emmanuelle était un film bien plus profond -sans mauvais jeu de mot-. Ce n'est que mon humble et subjectif avis.
Et toi, qu'as-tu pensé du livre et du film ? J'aimerais savoir si tu penses comme moi.