Notion de vol chez l'enfant
Le petit enfant, jusqu'à six ans environ, ne distingue pas nettement ce qui lui appartient de ce qui n'est pas à lui. Le "mien" et le "tien" se confondent dans son esprit. Aussi suffit-il, à son âge, de demander au petit accapareur l'objet du litige en lui disant : ce n'est pas à toi. Si une résistance se manifestait, si un ou deux ordres très nets et très calmes restaient sans effet, une légère tape sur la main coupable ferait comprendre peu à peu qu'un tel acte n'est pas permis et qu'il s'accompagne généralement d'une sanction.
A sept ans, l'enfant devient capable de détourner des objets, c'est-à-dire de se les approprier, sachant qu'ils ne sont pas à lui, mais sans posséder encore la notion exacte de ce qu'est un vol. Il faut tenir compte, en effet, de la différence qui existe entre la définition toute intellectuelle du vol, parfaitement accessible à un enfant de sept ans, et le sentiment profond d'avoir fait tort au prochain en lui prenant un objet auquel il tient sans doute et dont la disparition lui sera pénible.
Dès huit ans, en revanche, cette notion devient accessible à l'enfant intelligent, sans qu'il soit possible de dire, toutefois, si l'acte qu'il a commis est un simple détournement ou déjà un vol qualifié. Quant à l'adolescent, il possède, naturellement, la notion nette du vol ; il le commet en pleine conscience de la portée de son acte, quoiqu'il ne se rende pas toujours compte de sa nature immorale, surtout s'il a vécu dans un milieu où on ne la lui a pas enseignée.
Voleur ou kleptomane ?
A tout âge, mais surtout à partir de la dixième année, l'être humain peut être sujet à une véritable maladie qui le pousse à s'emparer de certains objets d'une manière impulsive et irrésistible. Il est évident que de tels actes ne peuvent pas être qualifiés de vols et qu'ils appellent l'intervention du médecin et du psychologue, plutôt que celle du gendarme. Ces vols particuliers, commis par des kleptomanes et non par des voleurs, se distinguent des autres par leur répétition, par leur nature insensée et par le fait qu'ils ne sont pas commis avec l'intention d'en tirer un profit personnel. Ainsi, un aveugle qui souffrait de cette infirmité avait volé un jour, dans l'établissement qui l'avait recueilli, un livre imprimé en caractères Braille et l'avait revendu à un bouquiniste pour ... trois sous !
On comprend maintenant la nécessité de distinguer avec soin les actes de vol commis par des irresponsables, ceux qui engagent une responsabilité mitigée et ceux que le voleur exécute en pleine conscience du mal qu'il commet. D'ailleurs, une revue rapide des raisons principales qui poussent l'enfant et l'adolescent à voler fera comprendre que la responsabilité s'étend souvent aux parents et au milieu dans lequel vit l'enfant.
Mobiles profonds du vol
L'enfant vole pour satisfaire ce besoin énorme qu'il ressent de s'approcher de tout, de s'identifier tout, de connaître tout. C'est ce qu'on appelle son instinct de captation. Il a envie de chocolat, de sucreries, de crayons, surtout s'il est un garçon ; d'un ruban, d'une petite bague, si c'est une fille. Plus tard, c'est plutôt de l'argent qu'il vole, de préférence à ses parents, afin de satisfaire son goût d'aventure, de déplacement, de spectacles cinématographiques ou sportifs. L'adolescent veut faire l'homme en buvant, en fumant, en brillant aux yeux de ses petits camarades ; et les adolescents veulent pouvoir attirer l'attention par des bijoux, des toilettes. Tout cela manque de grandeur et de beauté et il faudra réprimer le plus tôt possible ces tendances, alors qu'elles ne sont encore qu velléités.
Mais comme nous venons de le dire, certains vols n'engagent qu'une demi-responsabilité. Tels sont, par exemple, les vols de compensation ou de consolation auxquels ont recours les enfants trop sévèrement élevés. C'est particulièrement le cas des enfants ou des adolescents affectueux qui ne rencontrent pas dans leur famille l'attention et la compréhension dont ils auraient besoin. Ils commettent alors des vols de consolation. Dans ce cas, l'objet volé n'est pas véritablement et consciemment désiré ; il joue le rôle d'un symbole représentant d'une manière vague et indirecte tout ce que l'enfant voudrait obtenir.
Il y a parfois même des vols généreux ! Ces deux mots ne vont pas ensemble, je le sais ; cependant, les deux faits coexistent. Il y a des enfants qui volent pour pouvoir faire des cadeaux. Parfois, c'est pour se faire bien voir ; d'autres fois, c'est dans l'intention de faire plaisir, de soulager une misère ; d'autres fois encore, c'est en vertu d'un sentiment enfantin et déformé de la justice distributive, qui consiste à enlever aux uns ce qu'ils ont manifestement de trop, pour donner à celui qui, non moins manifestement, manque de quelque chose. Mais le plus souvent, ce qui pousse à des vols de ce genre; c'est le besoin d'être aimé et de rencontrer de la sympathie.
Comme vous le voyez, ces causes de vol, sans disculper le coupable, constituent autant de circonstances atténuantes. Mais il y en a une autre que je suis obligé de signaler malgré toute la peine que j'en éprouve. C'est qu'à notre époque, les enfants vivent dans une ambiance de vols. On vole autour d'eux, en leur présence, en appelant cela : sens commercial, débrouillardise, adresse. Cela devient du sport ! C'est ce qui fait dire au docteur Gilbert Robin, à propos de ces enfants voleurs : "Ils ne sont pas normaux, mais ils sont terriblement actuels."
Guérir un petit voleur n'est pas toujours facile ; mais le résultat vaut qu'on prenne la peine nécessaire. Fortifiez l'enfant, faites-le vivre dans un climat de confiance, donnez-lui ces aliments essentiels de sa croissance morale que sont l'affection et le bon exemple, soyez inexorable dans votre fermeté mais accessible au repentir, calme et doux, même lorsque l'indignation vous monte au coeur et aux lèvres. Vertus héroïques et presque surhumaines, je le sais, mais dont la conquête est possible pour tous ceux qui aiment leurs enfants.