Cet article est la traduction d’une interview de Sophie Kinsella en anglais sur le site USA Today au sujet de son nouveau roman « Finding Audrey » qui sortira bientôt en Angleterre. Pour la première fois Sophie Kinsella abandonne la chick-lit pour se lancer dans la littérature jeunesse.
Q: Comment avez-vous eu l’idée du personnage d’Audrey ?
Audrey m’est apparue dans un éclair d’inspiration. Dès que j’ai commencé à penser à elle, elle s’est présentée comme un personnage à part entière. Je la voyais, l’entendais et j’avais désespérément envie d’écrire son histoire. C’est une fille qui souffre de timidité maladive en société, syndrome que je connais bien, mais elle est aussi positive, excentrique et fait preuve d’un super sens de l’humour. Je connais bien les ado, j’en ai deux à la maison et surtout, je me souviens de ma propre adolescence.
Q: Qu’est-ce que vous voulez que les lecteurs retiennent de ce livre ?
J’espère qu’il fera rire mes lecteurs, qu’il les touchera aussi et que le périple d’Audrey les inspirera. Elle est tellement courageuse et drôle et son histoire est positive. J’espère que n’importe qui de timide, angoissé, malmené par son entourage ou même n’importe quel adolescent lambda pourra la prendre en modèle. J’espère aussi que le livre amusera les parents d’adolescents, ils le liront de manière complètement différente !
Extrait traduit de « Finding Audrey » :
(J’ai fait une traduction libre de cet extrait, qui n’engage bien entendu que moi)
Papa et Maman sont partis pour la journée avec des amis à une sorte de spectacle d’extérieur. Ils ont emmené Frank avec eux pour lui « ouvrir les yeux sur le monde » et n’ils n’imaginent pas un instant ce que je suis en train de faire. Je n’ai pas eu le courage de les affronter et de leur dire, la réaction excessive de Maman et tout ce bazar. J’ai attendu qu’ils partent, pris mes clés, mon argent et l’appareil photo, et j’ai quitté la maison, tout simplement.
Je n’avais pas fait ça depuis…
J’en sais rien. Tellement longtemps
On habite à une vingtaine de minutes du Starbucks en marchant vite. Je ne marche pas vite. Mais je ne m’arrête pas non plus. Je marche. Même si mon cerveau de lézard est à deux doigts de se ratatiner de terreur, j’arrive à placer un pied devant l’autre. Gauche, droit, gauche, droit.
J’ai mes lunettes de soleil sur le nez, les mains enfoncées dans les poches de mon sweat, capuche relevée pour protection renforcée. Je n’ai pas levé mes yeux du trottoir, mais c’est pas grave. La plupart des gens marchent chacun dans leur propre monde de toute façon.
Plus je m’approche du centre-ville, plus la foule devient dense et les devantures des boutiques se font brillantes et bruyantes. Chaque pas me donne un peu plus envie de fuir, mais je résiste. Je continue. C’est comme escalader une montagne, je pense. Ton corps n’en a pas envie, mais tu escalades quand même.
Et puis, enfin, je suis arrivée au Starbucks. En m’approchant de la vitrine familière, je me sens à la fois épuisée et excitée. J’y suis. J’y suis !
Je pousse la porte et Linus et là, assis à une table près de l’entrée. Il porte un jean et un tee-shirt gris, il est plutôt sexy. Enfin, c’est pas un rencard.
Je veux dire, évidemment, ce n’est pas un rencard, mais même si ça en était un…
Bref. C’est sans importance. Vous comprenez ce que je veux dire.
Le visage de Linus s’illumine quand il me voit et il se lève.
« Tu as réussi »
« Oui! »
« Je ne croyais pas que tu y arriverais »
« Moi non plus »
« Mais tu as réussi ! Tu es guérie ! »
Son enthousiasme est contagieux, je lui fais un sourire éclatant et nous effectuons une mini-choré, en levant les bras au-dessus de nos têtes.
« On prend un café? »
« Oui!’ dis-je, avec ma nouvelle assurance-tout-va-bien-j’ai-confiance-en-moi, génial ».
Quand on se place dans la queue, je me sens un peu fébrile. La musique est trop forte et les conversations autour de moi agresse mes tympans avec une violence qui m’arrache une grimace. Mais je ne résiste pas, j’accepte. Comme on fait à un concert de rock, quand on a les nerfs tendus par le volume et qu’il faut lâcher prise. (Et oui, je réalise que la plupart des gens ne mettent pas sur la même échelle le bruit dans un Starbucks et le vacarme d’un concert de rock, mais vous devriez essayer de vivre dans mon cerveau pendant quelques minutes… Vous comprendriez)
Je sens mon coeur qui bat, mais je ne sais pas si c’est à cause du bruit ou à cause du garçon sexy à côté de moi. Je commande (caramel Frappuccino) et la fille derrière le comptoir demande avec un air revêche :
« Nom? »
S’il y a une chose qui me fait peur, c’est d’entendre quelqu’un crier mon nom dans un café plein à craquer.
« Je déteste cette histoire de nom », je marmonne à l’intention de Linus.
« Moi aussi, donnes-en un faux, c’est toujours ce que je fais ».
« Nom? » répète la fille avec impatience.
« Oh. Hum, Rhubarbe » dis-je.
« Rhubarbe? »
C’est facile d’avoir l’air de rien, quand on porte des lunettes de soleil et une capuche et qu’on regarde dans la direction opposée.
« Oui, mon nom est Rhubarbe. »
« Tu t’appelles Rhubarbe »
« Bien sûr, qu’elle s’appelle Rhubarbe intervient Linus. « Rhu, tu veux un truc à manger ? Un muffin ? Rhu? »
« Non, merci », je n’arrive pas à ne pas sourire.
« Ok Rhu, pas de problème ».
« Très bien. Rhu-Barbe » écrit la fille avec son feutre, « Et toi? »
« Je voudrais un cappuccino, s’il vous plait », dit Linus poliment, « merci »
« Ton nom ? »
« Je vous l’épelle, c’est « »Z-W-P-A-E-N— »
« Quoi? » elle le regarde l’air ébahie, son feutre à la main.
« Attendez, je n’ai pas fini « deux F tiret T-J-U-S. », c’est un nom inhabituel », poursuit Linus très sérieusement, « c’est néerlandais ».
Je tremble à force de me retenir de rire. La fille nous jette un regard noir.
« Pour toi ce sera John » déclare-t-elle et elle l’écrit sur le gobelet.
Je dis à Linus que c’est moi qui paye, après tout, c’est mon documentaire et je suis productrice, il accepte, il paiera le prochain. On récupère nos gobelets – Rhubarbe et John- et revenons à notre table. Mon coeur bat la chamade, mais je suis au top. Moi ! Dans un Starbucks ! Normale à nouveau !
Je veux dire, bien sûr, j’ai toujours mes lunettes de soleil. Et je ne peux regarder personne. Et je tords mes mains bizarrement sous la table. Mais j’y suis. C’est ce qui compte.
Excerpt copyright © 2015 by Sophie Kinsella. Published by Delacorte Press, an imprint of Random House Children’s Books, a division of Penguin Random House LLC, New York. This excerpt has been set for this edition only and may not reflect the final content of the forthcoming edition.