Le recueil est conçu comme un journal de bord de l'année scolaire, avec le bac en point final, enfin officiellement. De septembre à juin, le mois commence par un résumé en plusieurs points: nombre d'élèves présents, état des troupes, état du prof, événements marquants. Puis viennent les échanges, pleins de piquant, de complicité, d'autodérision, de confiance, d'humour et finalement d'estime réciproque et d'amour.
"Ah mince... Vous ne savez pas", conclut un élève devant le silence de la prof à qui il avait demandé "Madame, "nous serons", ça s'écrit avec un s ou avec un t?"
La question du voile (en "mode décapotable" ou en "nénuphar") revient régulièrement bien entendu, tout comme celles de l'homophobie et de la misogynie, mais de quelle manière! Sans moquerie. Avec une énorme attention à comprendre le pourquoi de ces réactions, sans varier de sa propre position. "Journal d'une prof au bord de la crise de rire" est l'impeccable sous-titre de l'ouvrage.
Il conte une expérience qui fonctionne à un moment donné, mais qui, on le comprend, nécessite de l'huile de coude et une attention constante. Une faculté d'adaptation à l'humeur du jour de la classe aussi. Une propension à l'empathie avec les ados. Mais du "Qui a dit: "L'important c'est de participer"? Réponse: Un perdant" au sms où l'iPhone modifie le "problèmes sur l'autoroute, serai en retard" en "problème sur l'autorité, serai en retrait", tout est excellent et agréablement mis en pages.
En consignant ces échanges, en en oubliant sans doute d'autres, Mathilde Levesque signe une superbe déclaration d'amour à son métier. Et montre que l'envie d'apprendre et de s'en sortir est plus souvent là qu'on ne le pense en général.