Ben Affleck, 2012 (États-Unis)
A travers des histoires criminelles, avec un style et des thèmes eastwoodiens pour le premier film, scorcesiens pour le second, Gone baby gone (2007) et The town (2010) savaient particulièrement bien mettre en évidence des relations complexes entre les individus, des relations familiales ou amoureuses construites bien souvent autour d’une faille présente dès le début. Par ailleurs, tout en se déplaçant derrière les façades et les décors, ces deux réalisations livraient aussi chacune à leur façon une représentation d’une métropole, Boston, à la fois sombre et réaliste. Avec Argo, Ben Affleck quitte la côte est pour l’Iran et aborde pour la première fois la politique internationale et un sujet délicat, l’attaque de l’ambassade américaine de Téhéran en 1979.
Pour l’évacuation et le rapatriement de diplomates américains cachés et coincés dans la capitale iranienne, un « exfiltreur » de la CIA (Ben Affleck) est chargé de penser à une opération plus crédible que le simple envoi de bicyclettes pour une promenade de survie jusqu’à la frontière turque. Sa solution, « la moins mauvaise » : simuler des repérages en territoire exotique pour le tournage d’un space opera (genre très à la mode depuis Star Wars, 1977) et bénéficier pour le crédit de l’appui de deux figures hollywoodiennes, un producteur de seconde zone interprété par Alan Arkin et John Chambers, maquilleur sur La planète des singes de Schaffner (1968), campé par l’excellent John Goodman.
Étonnamment, et certainement en raison de la singularité des événements rapportés, son traitement place le film entre Munich de Spielberg (2005) et Ocean’s eleven de Soderberg (2001). Il se rapproche en effet du premier, non seulement en raison de son thème principal et de son contexte politique (la Guerre Froide et de manière plus restreinte les relations des États-Unis avec le Proche et le Moyen-Orient sur cette période-là), mais également parce qu’il lui emprunte son réalisme documentaire (dans la séquence d’introduction) et rend compte de la même manière (c’est-à-dire de façon classique et efficace) de l’action menée par les services de renseignements américains (avec son effervescence et ses pics de tensions). Au second, il emprunte la même décontraction, la même attitude faussement négligée, surtout permise lors des scènes hollywoodiennes (sans compter que George Clooney, la tête pensante des voleurs d’Ocean’s, est le coproducteur d’Argo). Ainsi, Argo, film politique et d’espionnage, fait diversion en ces endroits-là (« Argo fuck yourself ») et, au final, tout aussi rigoureux que ses premiers films, la troisième réalisation de Ben Affleck se hisse sans problème au-dessus de Munich, sans ses maladresses, et d’Ocean’s eleven, tout aussi divertissant.