Chronique « Asgard » (Intégrale)
Scénario de Xavier Dorison, dessin de Ralph Meyer, couleurs de Caroline Delabie et Ralph Meyer
Style : Saga Viking, Fantastique
Public conseillé : Adultes / Adolescents
Paru chez Dargaud, le 7 novembre 2014, 128 pages couleurs, 29.90 euros
L’histoire
Naître skraëling est une malédiction pour le peuple Viking. Le terme rassemble tout ce qui ne ressemble pas à l’idéal du guerrier Viking. Un esclave, un enfant d’esclaves ou celui qui vient au monde handicapé. Le fils de Leïf est né avec une malformation de la jambe droite, celle-ci ne s’étant pas développée en dessous du genou. Ce père a le devoir de tuer le nouveau-né sur lequel les dieux n’ont pas posé un œil bienveillant. Mais Leïf se refuse à ce sacrifice et défie les dieux en appelant ce fils Asgard, du nom de leur royaume que tout guerrier Viking rêve de rejoindre.
C’est l’histoire de cet homme banni parce qu’il est handicapé qu’ont choisi de raconter Xavier Dorison et Ralph Meyer.
Pour cela, ils ont imaginé un duel fabuleux entre l’homme et une bête monstrueuse, entre un Krökkentödter (un chasseur de monstres) et un Krökken (terme désignant toute forme de monstre du panthéon nordique). Entre Asgard, le banni, celui qu’on appelle aussi Pied-de-fer et le Serpent-Monde qui ravage les côtes et détruit tous les bateaux des pêcheurs.
Devant les destructions qui se multiplient et les pertes humaines qui s’accumulent, beaucoup pensent qu’Odin a envoyé le Jörmundgand pour punir les Vikings de leur arrogance. Pied-de-fer sera leur réponse, le duel peut commencer, il sera terrifiant…
Ce que j’en pense
En deux albums, Xavier Dorison a construit cette histoire d’une intensité souvent exceptionnelle, jouant admirablement de la mythologie nordique pour nous conduire vers un affrontement final paroxystique, un duel entre deux mondes de violence dont l’aboutissement offrira peut-être la naissance d’une nouvelle vie, plus douce.
Le choc est grandiose, de nature cinématographique, les images dans les fjords du Northland gelés par le fröst sont superbes, les personnages d’Asgard et de Sieglind, l’esclave qui rêve de devenir pêcheuse, sont particulièrement bien campés. Le scénariste oppose le banni qui a tout connu, jusqu’à se hisser parmi les guerriers de la Hilde, près de son roi et malgré son handicap à la jeune esclave qui s’invite contre le gré d’Asgard à la chasse monstrueuse. Le vieux guerrier solitaire face à la jeunesse insouciante qui ne rêve que d’apprendre. Le duel un peu basique deviendra aussi une histoire de transmission, le vieux skraëling usé et désabusé offrant une véritable protection paternelle à la jolie Sieglind jusqu’à cette symbolique offrande finale d’une arme de guerre qui passera de la main du guerrier pour devenir le couteau de pêche de la jeune apprentie. Le combat mythologique effrayant a quelques atouts psychologiques bien amenés qui donnent encore plus de sel à cette aventure.
Le dessin
Ralph Meyer conduit l’attelage de ce dyptique avec maestria, “Asgard” est fait pour être un divertissement spectaculaire et croyez-moi, le dessinateur ne s’est pas loupé. Des cadrages bien pensés, une fluidité narrative qu’on appréciera encore mieux dans cette version en Intégrale (ce récit gagne à être abordé d’un seul tenant), un sens du mouvement remarquable et une facilité à rendre l’intensité de l’action comme celle des émotions.
Il y a un potentiel énorme dans cette BD, on peut d’ailleurs en sortir un peu frustrés de ne pas voir certaines lignes scénaristiques sur l’univers Viking être plus approfondies. Mais ces deux auteurs en ont sans doute gardé un peu sous la semelle pour d’éventuelles nouvelles aventures en deux albums pour ces deux personnages qu’on a eu grand plaisir à côtoyer. Le final plutôt entre-ouvert de cette jolie Intégrale noir et sang et le succès de ce titre le laisse présager.
Illustrations © Ralph Meyer et Éditions Dargaud (2014)