Sous couvert de fiction, Elise Fontenaille-N'Diaye propose un texte quasi documentaire. Comme elle l’avait déjà fait, entre autres, avec Le garçon qui volait des avions, Les disparues de Vancouver ou Les trois sœurs et le dictateur. Comme elle sait si bien le faire, finalement. Ici, au-delà de l’histoire d’un pays frappé par le plus abominable des colonialismes, elle utilise la figure d’Eben pour faire œuvre de mémoire. A travers le regard bleu du garçon défilent les pires moments de la conquête allemande et les traces encore vivaces de la présence des colons blancs malgré l’indépendance de 1990 : « c’est toujours eux qui tiennent le pays, ils font la pluie et le beau temps ».
En 1904, le général von Trotha et son armée perpétuent l’un des premiers génocides de l’histoire contre les Hereros. Il récidivera en 1905 avec les Namas, l’autre ethnie majoritaire de Namibie. Plus de 80 000 morts en tout, une population décimée, des survivants parqués dans des camps de concentration et étudiés par les scientifiques comme des animaux. Eben raconte l’horreur, il dit son malaise et s’insurge, mais fait également preuve de pédagogie. Le texte est parfois dur, les faits rapportés, d’une violence terrible. Mais le récit reste accessible aux adolescents, il permet de mettre en lumière un événement historique peu connu, terrifiant et en même temps symptomatique de la façon dont les européens considéraient l’Afrique et ses habitants au début du 20ème siècle.
Une lecture riche de sens, qui secoue autant qu’elle éclaire.
Eben ou les yeux de la nuit d’Élise Fontenaille-N'Diaye. Rouergue, 2015. 58 pages. 8,30 euros. A partir de 11-12 ans.
Un roman jeunesse que je partage comme chaque mardi (ou presque) avec Noukette.
L’avis de Mirontaine