"Quand la pub nous transporte. 65 ans de publicité de la RATP", Paris, Cherche Midi, 2014, chronologie des campagnes, 160 p.
L'essentiel du livre est dans les photos, dans les reproductions des affiches des campagnes publicitaires. Le montage y a ajouté des photos du métro, des citations de livres et de chansons, et des commentaires et explications.
Livre d'histoire d'un réseau social ancien qui couvre toute la région parisienne, répète insensiblement ses messages au cours de la semaine, touche toutes les catégories sociales actives. A la différence d'autres médias, la publicité qui, ici, ne dérange pas, n'interrompt pas. Elle interpelle...
"Le métro, c'est Paris", c'est la ville, c'est la vie. Et Paris, c'est le métro. Bien plus que les monuments historiques ou des grandes places commerciales, le métro définit l'identité d'une société et ses manières de vivre (cf. Tokyo). Pour les touristes, le métro, le bus, c'est le moment où ils ne sont plus des touristes mais parisiens parmi la foule des parisiens les plus actifs : au lieu d'être prisonniers de cars qui les promènent d'embouteillage en embouteillage, de sites en sites dits "touristiques", ils vivent Paris en direct.
Le métro et les bus "irriguent" la vie parisienne, souligne, Isabelle Ockrent, "directrice de la communication et de la marque RATP". Le réseau est dense, ancien, donc bien intégré dans la ville quotidienne. Son graphe est aussi un habitus, ses utilisateurs sont fidèles et réguliers.
La RATP est une marque aussi. C'est la marque de Paris. Peu de réseaux de transports ont une telle image, qu'exploitent les campagnes publicitaires, image poétique, romantique des rencontres ("un bout de chemin ensemble"), image d'efficacité (ponctualité assurée), image sociale (travail, école). Le nom des stations ancré dans les mots de la marque : ainsi Louis Aragon dans son poème "Absent de Paris", pour évoquer Paris "Une chanson qu'on dit sous le métro Barbès // Et qui change à l'Etoile et descend à Jasmin" (Le paysan de Paris chante, 1943). Aujourd'hui, les Parisiens se définissent par leurs lignes de bus et de métro : socio-démo-métro !
Les campagnes que répertorie l'ouvrage mettent en avant les nouveaux services mais aussi le rôle de ces transports en commun dans la vie sociale, dans l'économie : on s'y moque des malheureux automobilistes chèrement embouteillés, on rappelle que la RATP lutte contre la pollution de l'eau et de l'air. La RATP, deuxième voiture ? Pourquoi pas la première, voire la seule ? Belle campagne, cause commune de tous les habitants de l'Ile-de-France et qui pourrait aller plus loin...
Aujourd'hui les applis, les données recueillies vont changer, enrichir le service de transport et la capacité de communication de la marque RATP avec ses clients, d'autant que l'interactivité est au bout des écrans et des smartphones. La RATP est un média magnifique.
Livre d'histoire, histoire du métro et histoire de la publicité, publicité pour faire valoir et insérer les transports en commun dans la culture urbaine de l'Ile-de-France. De campagnes en campagnes, on voit les problèmes affleurer : la pollution de l'air, l'extension de la banlieue, l'incivilité (contre un usage bruyant du portable dans les transports en commun, tout reste à faire ! cf. la couverture de l'ouvrage).
Les reproductions d'affiches et photos en noir et blanc parlent avec nostalgie d'une ville moins peuplée, moins stressante, nostalgie des places au nom de fleurs, des excursions... Tendresse urbaine : comment la retrouver ?