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Il l'a dans la peau !

Publié le 08 février 2015 par Dubruel

Dans une lointaine contrée,

J'ai rencontré

Un riche cultivateur de citrons.

Il me fit asseoir dans son salon.

Nous parlâmes de Paris et de son Boulevard.

Mon hôte était curieux et bavard.

Il fouillait dans son passé

Pour me poser

Quelques questions :

-" Connaissez-vous Pierre Boutron ? "

-" Oui. " -" Comment est-il aujourd'hui ? "

-" Ses cheveux sont devenus tout gris. "

-" Et François Kheim ? "

-" Toujours le même. "

-" Et les femmes ?

Parlez-moi des femmes.

Connaissez-vous Suzanne Verny ? "

-" Oui, une forte femme,...finie. "

-" Ah !...Et Sophie Corday ? "

-" Elle aussi décédée. "

-" Pauvre fille !... Est-ce que vous connaissez... "

Là, il se tût, puis la voix changée,

La figure, soudain pâlie,

Il reprit :

-" Il vaut mieux que je ne parle plus de cela. "

Puis, comme pour se changer l'esprit, il se leva.

Je regardai alors autour de moi.

Sur un mur, je vis deux gravures (de rois ?)

Sur une autre cloison, une épée,

Un pistolet et fort bien encadré,

Un portrait de femme peint sur un foulard bleu,

Je m'approchai pour le regarder de plus près.

Grande fut ma surprise quand j'ai remarqué

Qu'une épingle à cheveux

Y était piquée.

Mon hôte me dit en souriant :

-"Voilà tout ce que je vois depuis dix ans.

M. Prudhomme proclamait :

Ce sabre est le plus beau jour de ma vie.

Moi, je dirais :

Cette épingle est toute ma vie. "

-" Une femme vous aurait-elle fait souffrir ? "

-" Est-ce qu'elle vit encore Jeanne Lemire ? "

-" Parbleu...et plus jolie que jamais. "

-" Vous la connaissez ? "

" C'est une des filles les plus cotées de Paris. "

Il murmura :

" Je l'aime. ", comme il eut dit :

" Je vais mourir. " Puis il ajouta :

-" Avec elle, pendant trente-six mois,

Ce furent des jours effroyables et délicieux.

J'ai failli la tuer cinq ou six fois.

Et elle a tenté de me crever les yeux

Avec cette épingle... Tenez,

Regardez

Ce petit point

Sous mon œil gauche. Ah ! Nous nous aimions !

Comment expliquer cette passion ?

Vous ne la comprendriez point.

Il existe un amour fait du double élan

De deux cœurs et de deux âmes

Mais aussi un amour atroce, torturant,

Fait du disparate enlacement

D'un homme et d'une femme

Qui se détestent tout en s'adorant.

Cette fille m'a ruiné en trois ans.

Elle a mangé mes six millions, tranquillement.

Mais elle avait un côté irrésistible autrefois !

Lequel ? Je n'en sais plus rien, moi.

Étaient-ce ses yeux gris, son sourire séduisant,

Sa grâce lente, son ton de voix traînant.

Je ne voyais qu'elle sur terre !

Ah ! Comme j'ai souffert

Quand j'ai appris qu'elle me trompait,

Je l'ai traitée de gueuse. Elle a riposté,

Telle une Manon Lescaut, incapable d'aimer

Sans vous tromper :

'' Est-ce que nous sommes mariés ? ''

Pour elle, le plaisir ne faisait

Qu'un avec l'argent.

Quand j'eus tout dépensé

Jusqu'à mon dernier sou,

Elle m'a dit simplement :

''Je vous aime beaucoup

Mais je ne vis pas de l'air et du temps.''

À cet instant,

J'ai voulu la tuer.

Je l'ai regardée au fond des yeux

Et j'ai senti le besoin furieux

De l'étrangler !

En elle, le Féminin,

Le perfide et l'affolant Féminin,

Était plus puissant qu'en aucune autre femme.

Elle en était chargée, surchargée.

Elle était Femme,

Plus qu'on ne l'a jamais été.

Quand je sortais avec elle, elle posait

D'une telle façon

Son œil sur tous les garçons,

Qu'elle semblait,

D'un seul regard, se donner.

Cela m'exaspérait...

Et m'attachait encore davantage à elle.

Elle appartenait

À tous les hommes, malgré elle.

Quel supplice quand je devais m'absenter !

Il me semblait

Qu'un autre allait venir et la posséder.

Je ne l'ai pas vue depuis dix ans

...Et je ne l'ai jamais aimé autant. "

-" La reverrez-vous ? "

-" Dès que j'aurai un million, je vendrai tout

Et partirai la retrouver

Pour vivre avec elle quelques mois. "

-" Mais ensuite, vous ferez quoi ? "

" J'accepterais même d'être son valet. "


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