Attendu comme le messie, le dernier film des Wachowski est toujours un événement. Truffés de références geeks, fable prophétique à tendance écologiste, melting-pot de croyance New-age et de théories conspirationnistes, Jupiter, le destin de l’univers ne déroge pas à cette règle. À nouveau, les Wachowski interroge notre présent en présentant un avenir fantastique et crédible et nous offre un grand divertissement. Sans toutefois parvenir à nous faire réellement rêver.
Jupiter Jones (Mila Kunis), une immigré russe, vit aux cotés de sa famille. Pour gagner sa vie, avec sa mère Aleksa (Maria Doyle Kennedy, la mère de Sarah dans Orphan Black), elle est femme de ménage. Sa vie monotone va être transformé lorsque qu’un chasseur de tête, Caine (Channing Tatum, acteur des navrants 21 Jump Street et 22 Jump Street) va lui révéler qu’elle a un destin royal au sein d’une dynastie intergalactique.
Jupiter Jones (Mila Kunis), reine des abeilles
Le scénario de Jupiter, le destin de l’univers est à la fois originale et dans le même temps déjà vu. C’est dire qu’en mélangeant tant d’influences, les Wachowski se sont avant tout fait plaisir à eux-mêmes. Les fans de sciences-fictions auront l’impression qu’on flatte leur culture générale à chaque instant mais ne découvriront rien de neuf. Le scénario est limpide mais l’on s’amusera sûrement à deviner toutes les madeleines de Proust qui sont disséminés dans le récit. Passons sur l’esthétique manga omniprésente, notamment celle d’une des chasseuses, rappelant les premières apparitions publiques de Lari Wachowski devenu Lana. L’Egide, dont on n’explique clairement le rôle et le positionnement politique est à lui seul l’élément qu’il serait intéressant de développer dans une hypothétique suite. Cette organisation rappelle Starfleet de l’univers de la série Star Trek, une entente entre plusieurs peuples pour garantir la paix spatiale. Mais l’absence d’explications supplémentaires peut laisser penser à une troisième force du type de la Guilde dans Dune de Frank Herbert, possédant un pouvoir qui la rendrait indispensable et la protégerait. Comme dans Matrix ou Cloud Atlas, il est bien entendu question de réincarnation, ou tout du moins de mémoire collective. Les fans auront reconnu Terry Gilliam dans les bureaux administratifs comme un écho du génial Brazil. La salle aura éclaté de rire lorsqu’un vaisseau décollant aura laissé un cercle de culture ou que Titus Abrasax (Douglas Booth, récemment remarqué dans The Riot Club) évoque la destruction des Sauriens (autrement dit les dinosaures) dirigé par un chef assassiné par les humains colonisateurs. Parfois, Jupiter, le destin de l’univers prend l’aspect de la dernière édition du Complot pour les nuls, mais juste par autodérision.
Balem Abrasax (Eddie Redmayne)
Attention à ne pas tout prendre en ce sens. Dans la grande lignée du cinéma de science-fiction, Jupiter, le destin de l’univers interroge notre époque et les dérives du capitalisme. La manne financière qui rend la famille Abrasax aussi puissante n’est rendu possible par aucun autre procédé que l’enrichissement illimité d’une poignée d’êtres humains cherchant toujours plus à rendre acceptable inacceptable. Lorsque nous disions en introduction que Jupiter, le destin de l’univers proposait un futur plausible, c’est bel et bien parce que les graines d’une telle humanité cynique et irresponsable sont déjà posées. Si l’on enlève les délires conspirationnistes sur les extraterrestres, les dinosaures et les sociétés secrètes de la recette, le résidu sec est notre société capitaliste. Les Abrasax ont fait d’un élixir d’immortalité ; dont la substance première est le corps humain ; le filon le plus juteux de la guerre économique. Ils élèvent des planètes entières dont ils récoltent les habitants pour créer leur drogue réservée à une élite (comme l’épice de Dune). Les Wachowski dénoncent deux conséquences de l’organisation mercantile de la vie humaine : sa marchandisation grandissante à mesure que sa valeur diminue et l’impasse écologique vers laquelle ce système nous pousse. D’un côté, le constat est terriblement pessimiste, puisque toutes les planètes où auraient été laissé des êtres humains seraient vouées à l’autodestruction programmée de l’espèce. N’est-ce pas cependant, ce que font nos plus grands capitaines d’industrie, presser le fruit jusqu’à ce qu’il éclate ? Parallèlement, et parfois on a aussi besoin d’y croire, Jupiter Jones choisira bien entendu une autre voie et entrera en résistance.
Caine (Channing Tatum) et Stinger (Sean Bean, que vous reconnaîtrez tous grâce à Game of Thrones)
Baignant dans le schéma classique, quasiment christique, du libérateur devant se sacrifier pour l’humanité, Jupiter, le destin de l’univers ne brille pas par son originalité scénaristique, se contentant de planter le décor. Ce qui laisse envisager une suite, voir une trilogie pour prolonger l’univers. Là ou Matrix : Reloaded et Matrix : Revolution gâchaient la part de mystère du premier opus en voulant tout expliquer, espérons que si aventures à venir il y a pour Jupiter Jones, elles seront plus profondes.
Boeringer Rémy
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