On se souvient que l'article 28 du projet de loi défendu par M Emmanuel Macron prévoyait la possibilité pour le Gouvernement, par ordonnance, de transférer la compétence d'instruction du maire vers le préfet en cas d'annulation par le Juge administratif d'un premier refus d'autorisation d'urbanisme.
Lors de mon audition à l'Assemblée nationale sur ce texte, j'avais attiré l'attention du rapporteur sur les limites de cette réforme et plusieurs députés ont également témoigné de leurs réserves sur ce projet. Lors de l'examen en séance publique de l'article 28, le rapporteur a fait adopter un amendement n°2668 de suppression des alinéas 5 à 8 de l'article 28 précité.
En lieu et place, les députés ont voté un amendement n°2787 qui propose un autre moyen de lutter contre les refus injustifiés et à répétition de demandes d'autorisations d'urbanisme. Nul doute que la nouvelle mesure, malgré une rédaction susceptible d'être améliorée, est plus efficiente que la précédente.
Si le nouvel article 28 bis du projet de loi devait être définitivement adopté par le Sénat, l'article L.424-3 du code de l'urbanisme serait ainsi rédigé :
"Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée.
Il en est de même lorsqu'elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d'urbanisme applicables.
Cette motivation doit indiquer l’intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d’opposition, notamment l’ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421‑6."
Aux termes de cet article ainsi modifié, le maire ou le préfet serait contraint d'assortir une décision de refus d'autorisation ou d'opposition à une déclaration préalable, de tous les motifs la justifiant. Le but de cette mesure est d'interdire à un maire ou à un préfet d'égrener sans cesse de nouveaux motifs de refus ou d'opposition au fil des nouvelles décisions de refus prises après annulation d'une première décision de refus.
Il arrive en effet que, malgré l'annulation par le Juge administratif d'une décision de refus, un maire ou un préfet reprenne exactement la même décision de refus, en modifiant simplement les motifs pour ne pas se voir reprocher une violation de l'autorité de la chose jugée.
Concrètement, si cette mesure devait être définitivement adoptée et entrer en vigueur, le maire ou le préfet ne pourrait plus rejeter une demande de permis ou s'opposer à une déclaration préalable, après annulation d'un premier refus par le Juge administratif que dans le cas où ils pourraient démontrer que le nouveau motif de rejet ne pouvait être rédigé lors du premier refus.
Malgré la rédaction assez imprécise de l'amendement n°2787, il est permis de penser que le législateur n'a pas entendu interdire toute possibilité de refus n°2 d'une demande d'autorisation à la suite de l'annulation contentieuse d'un premier refus. Le législateur a plutôt entendu limiter le droit pour le maire ou le préfet de refuser pour la deuxième ou troisième fois une demande. Reste qu'un nouveau motif peut apparaître à la suite d'une annulation contentieuse d'un premier refus. Dans ce cas, le débat sera sans doute nourri sur le point de savoir si ledit motif de refus n°2 est réellement nouveau, c'est à dire postérieur à l'annulation contentieuse du refus n°1.
En conclusion, il faut espérer que la rédaction de cet article 28 bis soit précisée par le Sénat et, dans une hypothèse optimiste, étendue aux autres autorisations administratives à commencer par les autorisations ICPE et loi sur l'eau qui peuvent être instruites en parallèle d'une demande de permis de construire.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats