S'il fallait encore une preuve de la préoccupation croissante des banques vis-à-vis de de la révolution numérique, la saison actuelle des annonces de résultats annuels en fournit une, éclatante, à travers leurs références omniprésentes au « digital ». Les stratégies sont cependant variées, comme l'illustrent les cas comparés de Santander et BBVA.
D'une part, pour Francisco Gonzalez, président de la seconde, le constat est abrupt : les mutations en cours pourraient progressivement conduire à la disparition de la moitié des banques dans le monde. Entre l'aiguillon des jeunes pousses de la FinTech et la menace – de plus en plus probable – d'une entrée des géants du web sur le terrain des services financiers, les acteurs traditionnels ne parviendront certainement pas tous à ajuster leurs modèles aux exigences du monde numérique de demain.
Ses références sont faites de l'évolution visible des comportements des clients, pour lesquels les interactions deviennent principalement mobiles, et des résultats déjà obtenus avec de nouvelles approches marketing, basées sur l'analyse de données, la contextualisation et la personnalisation de l'expérience. Il justifie ainsi les grandes orientations prises récemment par BBVA, notamment les investissements dans plusieurs startups disruptives ou l'acquisition de Simple, en vue de renverser les paradigmes.
De l'autre côté, Ana Botín, présidente fraîchement nommée de Santander, part d'une même perception des risques que représentent les grandes entreprises technologiques (Google, Facebook…), avec leur trésorerie quasiment inépuisable et leur faible exposition à la réglementation. Pourtant, ses conclusions sont radicalement différentes : sans contester le besoin de suivre les clients sur les médias numériques, elle considère que les banques sont parfaitement armées pour se défendre… grâce à leurs réseaux d'agences.
Les arguments qu'elle développe pour motiver ce point de vue sont résolument classiques. Que les jeunes continuent à visiter une agence deux fois par an en constituerait une confirmation. Surtout, les clients auraient toujours besoin d'un contact de proximité lors d'événements importants. Et de citer en exemple le mariage ou l'achat d'un logement, illustrant brillamment (quoique involontairement) la faille du raisonnement : les consommateurs attendent un conseil sur leur projet de vie, pas sur son seul aspect financier. La banque peut-elle réellement assumer un tel rôle, de manière viable ?
La comparaison entre les deux grands groupes espagnols est d'autant plus intéressante que leurs actions sur le terrain présentent certaines similitudes, notamment en matière d'investissement dans des startups ou de partenariat avec des acteurs émergents. Celles-ci rendent d'autant plus frappante la divergence absolue entre leurs deux visions, l'une (BBVA) portée sur l'avenir et la perspective d'un métier totalement réinventé, comme l'a été auparavant le secteur de la musique (entre autres), l'autre (Santander) tournée vers le passé et estimant que son piédestal historique est inébranlable.
Si la prédiction de Francisco Gonzalez se réalise, il n'est pas très difficile d'imaginer laquelle des deux banques est la plus menacée de disparition…