Coexist
L'artiste de Street art Combo revendique une posture qui se définit entre détournement et interaction : "Il manipule des visuels connus de tous auxquels il intègre des éléments étrangers - le plus souvent issus de l’univers de la bande dessinée ou du jeu vidéo – qui en modifient radicalement le sens. Son obsession : l’interaction."
"COEXIST" Combo 2015
Cette attente d'interaction a pris ces derniers jours une tournure singulière. Alors qu'il collait le trente janvier dernier, porte Dorée à Paris, sur un mur une affiche en pied de lui-même photographié en djellabah associé au mot «Coexist» dessinant un croissant musulman pour le C, une étoile de David pour le X, et une croix chrétienne pour le T, quatre jeunes lui ont demandé d’effacer l’inscription. Combo a refusé et a reçu une pluie de coups. Epaule démise, des bleus partout et huit jours d’incapacité totale de travail .
Culture Kidnapper
Né à Amiens d’un père libanais chrétien et d’une mère marocaine musulmane, Combo, alias Culture Kidnapper, vingt-huit ans, ancien graffeur de la Côte d’Azur, arrive à Paris en 2010. Après avoir abandonné le graffiti pour se consacrer au métier de publicitaire pour Peugeot, McDo et Canal+, il décide en 2012 de revenir à cet art de la rue.
Aujourd'hui celui qui reste convaincu que le Street-art ne peut se concevoir que dans la rue et non pas sur les cimaises des centres d'art ou dans les espaces réglementés de la commande publique, prend la mesure du challenge : « D’habitude, mes œuvres pouvaient rester deux ou trois ans sur les murs de Paris. Aujourd’hui, deux ou trois jours. ».
L'agression de Combo, si elle témoigne de la bêtise intolérante de ses agresseurs, apporte également un éclairage cru sur les conditions dans lesquelles s'exerce désormais la pratique du Street-artiste. Pendant longtemps les pugilats de rue pour la possession des murs ont été le lot des militants politiques colleurs d'affiches, victimes des expéditions punitives de camps opposés. Les campagnes électorales vivaient au rythme des ces campagnes d'affiches aussitôt posées, aussitôt recouvertes puis à nouveau occultées par d'autres.
Affiches de Combo, panneaux électoraux Paris 2014
Il faut convenir que Combo lui-même ne s'est pas privé de se mesurer à l'affiche politique en captant, à son profit, les panneaux électoraux, risque certain car la loi punit particulièrement sévèrement toute atteinte à ces panneaux publics. À quelques jours seulement du premier tour des élections municipales à Paris en 2014, des candidats insolites s'invitent sur les panneaux des mairies d'arrondissement : les princesses Disney. Esmeralda, Blanche-Neige, Jasmine ou Cendrillon, militant pour un autre Paris, notamment pour une “libre circulation des tapis-volants dans les couloirs de bus”. Combo, grand ordonnateur de cette campagne parallèle, jouait ainsi son rôle de trublion, en Street-artiste indocile.
L'agression dont a été victime Combo ne laisse aucune place à l'humour et exprime une atteinte supplémentaire à la liberté d'expression dans une exemple où l’œuvre de l'artiste prêchait la tolérance . L'artiste ne laisse planer aucun doute sur sa détermination :" On pourra dire que mon travail est provocant, que peut être je l'ai bien cherché.. Mais rien ni personne ne m’empêchera de m'exprimer, de pratiquer mon art, et de me battre pour mes idées. Demain je retournerais coller, après demain et le jour d'après aussi. Nos idéaux valent plus que leurs idées basses."
Pour les artistes qui n'acceptent pas d'abandonner la rue pour le confort des murs institutionnels ou qui ne se résignent pas à reculer devant le diktat des obscurantismes, le Street-art reste un art bien vivant.