Je vais vous parler des armes utilisées à cette époque : dans les années 1850-1860. Vous verrez que l'on est très loin du mythe du super tireur, créé par Hollywood, qui dégaine son revolver à toute vitesse, revolver sorti d'un holster attaché à la cuisse par un lacet. La réalité est très différente !
Commençons avec le barillet (photo de gauche). On y voit, de la droite vers la gauche, la balle et la poudre ensemble dans un espace tubulaire appelé "chambre". Celle-ci communique avec une "cheminée" (voir photo de droite), sur laquelle on met une "amorce", qui frappée lors du tir dégage une étincelle qui passe par le trou de la cheminée et enflamme la poudre, créant alors une combustion gazeuse qui projette la balle.
Donc, on très loin de l'utilisation d'une simple cartouche. Ici, tous les éléments sont séparés et doivent être assemblés manuellement ! Dans les faits, les choses sont encore un peu plus compliquées. La chambre et la balle ont une certaine longueur. Entre le fond de la chambre et le dessous de la balle il y a donc un espace vide. Ce vide est rempli par de la poudre et doit l'être totalement ! S'il y a un espace entre la poudre et la balle, les gaz de la combustion se concentrent dans cet espace et font exploser le barillet !! Et un barillet qui explose engendre la perte de la main du tireur ! Ce n'est pas le but. Mais totalement combler l'espace de la chambre ne résout pas tout. En effet, plus la quantité de poudre est importante plus la combustion est brutale, ce qui créé un relèvement et un recul important de l'arme, ce qui ne facilite pas son maintien et le tir. L'objectif devient donc de doser la quantité de poudre en fonction de ce que l'on recherche.
Mais ce n'est pas tout ! Un barillet est composé de 6 chambres. Imaginez- vous en train de les charger. Vous maintenez votre arme verticalement d'une main, avec les doigts de cette main qui font tourner le barillet au fur et à mesure du chargement. De l'autre, vous insérez la poudre, la bourre, puis, pour enfoncer la balle, vous saisissez le refouloir sur lequel vous devez appuyer avec force afin que la balle s'enfonce suffisamment, en tout cas juste en dessous de la bouche de la chambre, sinon le barillet se bloque et ne tourne plus. Et là catastrophe ! Déjà que ça prend un temps infini pour charger l'arme, si elle vient à ne pas être utilisable au moment où on en a le plus besoin, vos moyens de défense s'annulent d'un coup ! Vous imaginez ce qui vous attend...
Mais, partons de l'idée que les balles sont toutes bien enfoncées. Il reste un point à régler. La poudre est composée de grains très fins qui peuvent facilement se promener un peu partout, surtout au niveau de la bouche des chambres. Pour éviter tout risque de mise à feu en chaîne des chambres lors du premier tir par exemple, on met de la graisse sur le dessus de chaque balle pour rendre la chambre hermétique. D'ailleurs, à l'époque, la graisse était appliquée en quantité un peu partout sur le barillet et l'arme en général pour la protéger de l'humidité et de la poussière.
Bien ! Remettons nous en situation. Le chargement de son arme prend, vous l'avez maintenant compris, un temps considérable. Donc, l'utilisation de celle-ci ne peut se faire que parcimonieusement et uniquement quand c'est absolument indispensable. On est loin de l'image de ce Farwest où tout le monde tire sur tout le monde et n'importe quand ! D'autres paramètres renforcent ce point. Les premiers revolvers, dans les années 1850, étaient très lourds, longs et encombrants. En 1847, le fameux Colt Walker (photo ci-dessus) pesait 2,5 kg et mesurait 40,5 cm de long !! Vous imaginez ?
Désolidariser le barillet prenait un temps trop long pour être remplacé par un autre. Encore une preuve que dans de telles conditions l'utilisation d'une arme ne pouvait se faire que face à des situations d'extrêmes nécessités.
Résumons. Dans les années 1850 - 1870 les armes sont difficiles à charger, lourdes et encombrantes. Elles ont aussi le désavantage d'être chères (un mois de salaire environ pour le quidam moyen), et tout le monde ne peut s'en procurer une. Ceux qui en possèdent une ne l'utiliseront que rarement, uniquement pour sauver leur peau face à un danger réel : un animal dangereux (serpent, couguar, loup, etc.), et des agresseurs (bandits, voleurs, indiens, etc.). Voire pour abréger les souffrances de son cheval blessé. C'est à peu près tout ! Encore fallait-il savoir s'en servir. Notre quidam ne passait pas son temps à s'entraîner ; ça c'était l'affaire des militaires et autres forces de police. Encore fallait-il pouvoir s'en servir dans de bonnes conditions. La poudre, les balles en plomb, les conditions atmosphériques, etc., représentaient autant de risques d'altération provoquant des incidents de tir.
Par la force des choses, autrement dit, après tout ce que viens de vous montrer, il me semble que le danger des revolvers de l'époque, bien que réel, était cependant limité. Les historiens sont divisés sur le climat de violence qui aurait régné en ce milieu du 19ème siècle. Pour certains, la violence était partout, tout le temps. C'est possible, mais ils ne l'expliquent pas par l'emploi immodéré et massif des armes à feu, qui pour beaucoup, comme les fusils, étaient encore des armes à un coup. Un indien était beaucoup plus efficace avec son arc ! Pour d'autres, la violence était de nature diverse et dépendante de conditions variées : géographie étendue et espaces différents limitant le coefficient de frottement entre personnes et populations, taux de concentrations humaines, différences culturelles, etc. Les dangers provenaient plutôt des conditions climatiques et des maladies.
A l'époque, les armes ne tuaient pas systématiquement du premier coup. On mourrait plutôt de ses blessures. On mourrait aussi à cause de la faim, de la soif, du froid, de la sécheresse, d'une morsure de serpent, de la fatigue, etc., et d'être esclave ou indien !
Et puis 1873 est arrivé... avec de nouvelles armes...et de nouvelles formes de violence. Mais c'est une autre histoire....
A bientôt