Dans le cadre d’une initiative visant à améliorer la médecine de précision, le président américain propose 225 millions de dollars et l’étude de l’ADN d’un million de personnes.
La notion de médecine de précision recouvre les traitements appliqués au profil génétique d’un patient, généralement pour les cancers ou les maladies rares. Dans le cas d’un cancer par exemple, les médecins évaluent les anomalies moléculaires (si il y’en a) dans les cellules cancéreuses et les soignent avec des traitements adaptés. Certaines anomalies peuvent être présentes dans différentes types de cancers et donc soignées par le même traitement. La médecine du futur s’oriente donc vers l’étude d’un panel d’anomalies moléculaires chez un patient malade, afin de lui prescrire un traitement unique, donc personnalisé, pour sa propre pathologie. En d’autres termes, les traitements du futur seront basés sur la carte génétique d’un patient.
Dans le but de développer ce type de médecine encore trop marginale, Barack Obama a proposé une initiative soutenant la médecine de précision, pour s’éloigner de l’ancienne doctrine d’approche unique ou de « one-size-fits-all » selon les mots de Jo Handelsman, en charge des politiques concernant la science et la technologie à la Maison Blanche. L’idée est donc de tendre vers une médecine personnalisée grâce à l’étude du génome humain : 130 millions de dollars vont être injectés pour mener une étude sur le génome (mais aussi sur les habitudes de la population étudiée) d’un million de personnes, la plus grande étude génomique jamais réalisée à l’échelle d’un pays. De quoi ouvrir des perspectives scientifiques inédites.
Le génome humain n’est plus une inconnue dans la biologie moderne
Dans les années 70, le célèbre biologiste Jacques Monod, considéré comme l’un des pères de la biologie moléculaire moderne, annonçait que la taille de l’ADN était trop importante pour que l’on puisse un jour modifier le génome humain. Six ans plus tard, les premières manipulations génétiques voyaient le jour. En 1990, le consensus des généticiens annonçait que l’on ne pourrait jamais séquencer l’ADN. Mais c’est finalement chose faite en 2003. L’évolution concerne également le prix du séquençage du génome passé de 3 milliards de dollars à… 1000 dollars ! Le séquençage de l’ADN n’est donc plus une inconnue. A tel point que l’entreprise classée la plus « intelligente » du monde par le MIT en 2014 est Illumina, entreprise spécialisée dans le séquençage ultra-rapide et l’épigénétique (étude des mécanismes moléculaires au niveau du génome). Et les investissements dans la santé numérique se concentrent aujourd’hui principalement sur le Big Data et l’analytique.
D’autres entreprises se sont même spécialisées dans la lutte contre le vieillissement, à l’instar de la startup Human Longevity qui combine l’étude des génomes et l’informatique pour repousser les limites de l’âge et traiter des maladies. Les géants de l’Internet ont aussi investi ce domaine. Google en est le pionnier et sa mission est claire : « vaincre la mort » comme l’a annoncé le CEO Larry Page, via l’entreprise détenue par Google, Calico. Les perpectives sont donc nombreuses et Obama souhaite financer la recherche de remèdes basés sur l’ADN.
« La médecine de précision peut révolutionner le traitement »
Cette prédiction de Jo Handelsman témoigne des avancées scientifiques significatives permises par l’étude du génome d’une grande population d’individus en fusionnant ces données avec celles d’autres études en cours. « Cela va être un évènement déterminant dans la façon dont nous appréhendons la médecine » souligne-t-elle. Dans le budget proposé par le président américain, 130 millions de dollars vont être versés au National Institue of Health afin de réaliser l’étude du génome « grandeur nature », basée sur le volontariat. Autre force de cette initiative : les patients seront en mesure d’avoir beaucoup d’informations génétiques les concernant, « car nous voulons qu’ils participent aux décisions capitales pour leur santé et l’avenir de la médecine » affirme John Oldrens, directeur des politiques scientifiques et technologiques à la Maison Blanche. 70 millions de dollars vont ensuite être directement alloués à la recherche sur le génome et le cancer, puis 10 millions à la Food and Drug Administration.
L’idée n’est pas de créer une « bio-banque » souligne Francis Collins, directeur du National Institue for Health. C’est plutôt de combiner ces recherches avec d’autres études, et donc d’avoir une approche « distribuée plus que centralisée ». Cet organisme a d’ailleurs rencontré la Veterans Health Administration, qui s’est lancée dans le Million Veterans Project qui a récolté l’ADN de 343 000 anciens soldats. Obama compte aussi allouer du budget pour les entreprises technologiques, et Illumina semble celle qui en bénéficiera sur le court terme. Comme décrit dans le célèbre essai « La mort de la mort » du docteur Laurent Alexandre, les progrès médicaux du 21ème siècle seraient donc en passe d’amener des révolutions scientifiques d’une ampleur inédite.