Présenté comme une exception dans le monde, le cas du système bancaire britannique est en fait assez proche de celui que nous connaissons dans l'hexagone : les services de base aux particuliers – c'est-à-dire, essentiellement, le compte courant et les opérations élémentaires associées – ne sont pas directement facturés (pour 73% des consommateurs). Naturellement, cette « gratuité » n'est qu'apparente et les coûts de gestion doivent être couverts par d'autres sources de revenus.
Alors, en contrepartie de l'illusion, les dépôts ne sont pas ou très peu rémunérés et les événements exceptionnels – en particulier les découverts – donnent lieu à des frais souvent perçus comme abusifs. Cependant, les clients ne sont pas dupes, puisque selon l'enquête commanditée par PwC, deux sur trois sont parfaitement conscients de ces coûts « cachés » et de leur rôle dans l'équation économique des offres. Et ils sont 62% à préférer cette approche et rejeter une quelconque facturation des services basiques.
Les conclusions que tire PwC de cette situation ont de quoi surprendre : en synthèse, le manque actuel de transparence de la tarification (indiscutable) serait insoutenable et imposerait d'abandonner les pratiques de pseudo-gratuité, à terme. Alors même que les consommateurs expriment, en majorité, une opinion contraire ! Heureusement, les auteurs avancent quelques raisons pour justifier leur position, mais elles tiennent surtout aux modes de fonctionnement interne des institutions financières.
Ainsi, la carence de revenu direct généré par une majorité de clients (justement ceux qui se satisfont du statu quo, vraisemblablement) serait à l'origine des ventes plus ou moins « forcées » de produits complémentaires, destinées à rétablir l'équilibre. Par ailleurs, elle constituerait une entrave majeure à l'innovation et au développement de la concurrence, faute de rentabilité pour qui créerait un nouveau type de compte courant. A l'appui de la démonstration, l'étude expose les faibles taux de transferts de la clientèle entre établissements, illustrant l'absence de différenciation. Sérieusement ?
Examinons ces arguments à la loupe. S'il est possible que les pratiques commerciales agressives aient un lien avec des produits d'appel à bas prix (au fait, n'est-ce pas là une technique marketing standard ?), qui peut croire que la facturation du compte courant les fera disparaître ? De même, peut-on réellement accuser le manque de moyens d'être la première raison d'une innovation déficiente dans les banques, alors que des startups s'attaquent à tous leurs domaines d'activité avec un capital de quelques millions de livres (ou d'euros), dans le meilleur des cas ?
Reprenons plutôt les raisonnements à zéro. Certes, une plus grande transparence de la facturation est indispensable. Mais elle n'implique pas automatiquement que tout service doit être payant. En particulier, l'offre de base peut parfaitement rester gratuite, à la seule condition que son coût de production soit minime. Ce qui est parfaitement possible avec les technologies disponibles aujourd'hui, comme le démontrent les nouveaux entrants, mais est évidemment beaucoup moins à la portée des institutions financières traditionnelles, avec leurs lourdes infrastructures et leurs processus antédiluviens.
Une fois ce choix confirmé, l'innovation devrait être consacrée à la création de nouveaux modèles économiques (et non, pour prendre en exemple une cible facile, à la réinvention des réseaux d'agences). En s'inspirant des approches « freemium » tellement en vogue dans l'univers numérique, la banque pourrait créer des services à forte valeur ajoutée (pour le client), payants, finançant les coûts (marginaux) des options gratuites. La transparence réside alors dans une grille de tarifs claire, précise et équitable.
En renversant le point de vue, on pourrait considérer que le compte courant ne peut plus être facturé à cause du manque d'innovation : point d'entrée incontournable dans la banque, identique dans tous les établissements, le dernier critère de choix est son prix. Il tend donc mécaniquement vers 0. Croire que la tendance peut être inversée sans autre changement est une pure utopie. Seule l'introduction de services additionnels peut justifier de faire payer le client, surtout quand ce dernier sait que le coût de production est quasi nul (comme il l'a appris en utilisant les outils de Google, Facebook, Amazon…).